A Nice, la guerre Estrosi-Ciotti met Les Républicains dans l'embarras

Publié le 16/07/2019 11:44
A Nice, la guerre Estrosi-Ciotti met Les Républicains dans l'embarras

par Simon Carraud et Matthias Galante

NICE/PARIS (Reuters) - La querelle qui n'en finit pas de s'envenimer entre Christian Estrosi et Eric Ciotti, les deux frères ennemis de la droite à Nice (Alpes-Maritimes), a tout du casse-tête pour la direction des Républicains (LR) à l'approche des municipales de 2020.

A ce jour, le maire sortant n'a pas officiellement fait acte de candidature, pas plus que son ancien bras droit, mais les deux hommes ne font pas vraiment mystère de leur volonté de se présenter aux élections de l'an prochain, au risque de creuser encore le gouffre de rancoeur qui les sépare.

La bataille de la Côte d'Azur pose aux dirigeants de LR, à Paris, un dilemme qui peut se résumer ainsi : lequel, de Christian Estrosi ou d'Eric Ciotti, du maire apparemment indéboulonnable ou du soupirant, du fidèle sarkozyste converti au gaullisme social ou de son ex-adjoint faut-il investir ?

"Il y a des moments dans la vie publique où il est urgent d'attendre", temporise Jean Leonetti, président intérimaire des Républicains et maire d'Antibes, non loin de là.

Prudente, la haute hiérarchie du parti renvoie donc la question à l'automne au moins, le temps que la situation se "décante" selon Jean Leonetti - un attentisme observé partout où flotte un brouillard aussi compact, comme à Marseille, 200 km plus loin.

Complication supplémentaire : le président de la commission d'investiture de LR n'est autre qu'Eric Ciotti, ce que ne manque pas de critiquer le clan d'en face.

La haine partagée se double de divergences stratégiques. Christian Estrosi entretient l'ambiguïté sur ses relations avec La République en marche (LaRem) quand Eric Ciotti, président de la fédération LR des Alpes-Maritimes, défend une position plus univoque, plus intransigeante vis-à-vis du parti présidentiel et refuse d'entendre parler d'alliance.

"TOURNIS"

Jusqu'à récemment, les barons locaux n'avaient aucune raison de se perdre en arguties tactiques : Nice était une terre de droite et rien ne semblait pouvoir changer cet état de choses.

Mais le "macronisme" est venu bousculer les certitudes jusque dans le chef-lieu des Alpes-Maritimes, où LaRem a largement devancé Les Républicains aux élections européennes du 26 mai, avec respectivement 21,83% et 11,7% des voix.

Les tâtonnements de Christian Estrosi, qui s'est affiché avec Emmanuel Macron dès avant le premier tour de la dernière présidentielle, puis a maintenu le contact avec l'exécutif pendant deux ans avant de soutenir la liste LR aux européennes, disent à quel point le maire peine à choisir son camp - ou ménage son profil de grand rassembleur, selon le point de vue.

"Il soutient Bellamy aux européennes puis parle de coalition avec En Marche", raille un proche d'Eric Ciotti. "Personne n'y comprend rien, son positionnement donne le tournis."

Dans l'entourage de Christian Estrosi, on se défend en invoquant les grands anciens de la droite. "Il exprime, en tant que gaulliste, une volonté de changement de ligne au sein de LR, sans sectarisme, ni exclusion et prône la logique du rassemblement comme l'ont fait Chirac et Sarkozy", juge-t-on.

En attendant la déclaration de guerre, si elle a bien lieu, chacun évalue ses chances - à bonne distance car voilà bien longtemps que les deux hommes ne se montrent plus ensemble.

"DE PLUS EN PLUS DÉTERMINÉ"

Un sondage Ifop pour CNEWS, paru le 10 avril, donne un net avantage au sortant dans tous les cas de figure, avec une avance de huit points au premier tour (37% contre 29% pour Eric Ciotti) dans l'hypothèse où LaRem n'alignerait pas de candidat. L'ancien pilote de moto pourrait même l'emporter au premier tour, avec 51% des voix, si Eric Ciotti finit par renoncer.

Un scénario auquel ne veut pas croire pas l'un de ses proches, pour qui Eric Ciotti est "de plus en plus déterminé" à se lancer, fort de la "vraie relation" qui s'est nouée, selon lui, entre le député et les Niçois.

Le président de fédération rode ses éventuels futurs arguments de campagne en multipliant les attaques contre la municipalité sortante, sur les thèmes de l'insécurité - son domaine de prédilection -, la dette ou l'aménagement urbain.

"Il a voté toutes les décisions à la mairie ou en tant que président du département et finalement, à huit mois des élections, il explique qu'elles sont mauvaises", dit-on dans l'entourage de Christian Estrosi. "Il a pourtant été une cheville ouvrière de cette politique."

La question niçoise se pose à l'état-major de LR mais aussi, en des termes différents, à celui de LaRem, qui devra trancher entre trois options : offrir l'investiture en bonne et due forme à Christian Estrosi, le soutenir officieusement ou envoyer un candidat face à lui avec le risque de subir une lourde défaite.

Pour l'heure, rien n'est "stabilisé" à Nice, selon le député Pierre Person, spécialiste des cartes électorales à LaRem.

Ce flou entretient les divisions au sein de la Macronie sur la conduite à tenir. Et encourage les velléités, comme celles du député LaRem Cédric Roussel ou de l'élue municipale Joëlle Martinaux, qui briguent tous deux l'étiquette de leur parti - une candidature qui a valu à Joëlle Martinaux d'être déchue de son titre d'adjointe la semaine dernière.

Depuis sa mairie, Christian Estrosi fait tout pour paraître au-dessus de la mêlée.

"Je n'ai jamais été candidat au nom d'un parti politique", a-t-il dit il y a quelques jours sur franceinfo.

(Avec Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)

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