La fraude fiscale prive bon an mal an les caisses de l'Etat de 60 à 80 milliards d'euros, soit l'équivalent d'un cinquième de ses recettes fiscales brutes, un montant qui démontre le besoin d'un plan d'action européen, selon le syndicat Solidaires-Finances publiques.
"La fraude a toujours un temps d'avance", explique à l'AFP Vincent Drezet, le secrétaire général de l'ex-Snui, majoritaire parmi les agents des impôts, dont un rapport diffusé mardi revoit en nette hausse le manque à gagner découlant des "évasions et fraudes fiscales" en tous genres.
Dans un précédent rapport remontant à 2007, le syndicat chiffrait le montant dans une fourchette de 42 à 51 milliards d'euros figurant dans son rapport de 2007.
"Par extrapolation des résultats du contrôle fiscal et consolidation des travaux existants, il est aujourd'hui possible d'estimer que le montant des pertes fiscales découlant des différentes formes d'évitements illégaux de l'impôt est compris entre 60 et 80 milliards d'euros", assure-t-il désormais.
Ce montant représente entre 16,7 et 22,3% des recettes fiscales brutes de l'Etat, voire plus "si l'on pouvait analyser la réalité des manipulations de prix de transfert et des diverses transactions pratiquées au sein des grands groupes", ajoute-t-il.
"L'évitement de l'impôt est donc largement supérieur aux estimations" effectuées jusqu'à présent", résume Solidaires-Finances publiques, qui rappelle que la Commission européenne a estimé à 1.000 milliards d'euros "les pertes fiscales des Etats membres de l'UE".
Pour M. Drezet, l'étude démontre que la France dispose "d'un contrôle fiscal qui est bien armé et bien positionné pour certains types de fraude, mais qui l'est moins pour d'autres en dépit de certains aménagements juridiques".
Les cas de fraude dans le commerce électronique et à la TVA sont "manifestement plus importants que ce que nous croyions", a-t-il ajouté, alors que le gouvernement français se penche sur la question de la fiscalité numérique.
"Dans le commerce électronique, il est très difficile d'évaluer la fraude et ce qu'elle représente, car il y a des montages particulièrement complexes", reconnaît M. Drezet.
S'appuyant sur des chiffres de la Cour des comptes, le rapport juge également la fraude à la TVA "particulièrement importante" et la situe dans une fourchette de 10 à 11 milliards par an.
Quant aux Français qui vont s'installer à l'étranger pour éviter les impôts, M. Drezet souligne que la tâche de Bercy est de repérer ceux qui n'ont pas vraiment quitté le territoire français.
"Il y a des fausses expatriations. Nous identifions chaque année entre 150 et 200 personnes qui se déclarent à l'étranger, mais qui continuent à vivre en France. Ce qui veut dire que la fraude est plus importante, parce qu'on ne la détecte pas toute", affirme le délégué syndical.
Pour faire face au problème de l'évasion, M. Drezet souligne "un problème d'accès à l'information et de moyens humains. C'est vrai que, de ce point de vue-là, ça reste insuffisant", dit-il.
"A l'évidence, le contrôle a besoin d'agents", signale le rapport, qui affirme que la Direction générale des finances publiques (DGFiP) "aura perdu 18% de ses effectifs entre 2002 et fin 2013, soit 26.000 emplois".
Par ailleurs, le syndicat recommande de "mener au plan national et européen, un plan d'action beaucoup plus vaste".
En 2011, le contrôle fiscal a permis à l'Etat de redresser 13,48 milliards d'euros de droits nets, auxquels se sont ajoutés 2,92 milliards d'euros de pénalités, souligne le rapport.