par Emmanuel Jarry
POITIERS, Vienne (Reuters) - Manuel Valls a renvoyé dimanche Arnaud Montebourg à son "irresponsabilité" après la charge en règle de l'ancien ministre contre la politique économique du gouvernement, une "insulte aux militants" selon Jean-Christophe Cambadélis, au moment où se tient le congrès du Parti socialiste à Poitiers.
L'ex-ministre socialiste de l'Economie, flanqué de l'homme d'affaires Matthieu Pigasse, estime dans le Journal du Dimanche que, "hébétés, nous marchons droit vers le désastre" et évoquent une possible accession du Front national au pouvoir.
"L'absurde conformisme bruxellois de la politique économique de la France actuelle est devenue une gigantesque fabrique à suffrages du Front national", écrivent-ils.
Arnaud Montebourg a quitté le gouvernement en août 2014 sur des désaccords avec la politique économique du chef de l'Etat, François Hollande, et de son Premier ministre, Manuel Valls.
A son arrivée sur le site du congrès du PS, dimanche matin, le chef du gouvernement a fustigé "ceux qui font des tribunes exagérées" et qui "n'ont plus accepté de gouverner parce que gouverner c'est difficile (...), c'est affronter parfois la déception et la colère de nos compatriotes".
"Ici, nous avons toujours fait le choix de l'exercice du pouvoir et de la responsabilité", a ajouté Manuel Valls. "Moi, j'assume ma responsabilité et je laisse l'irresponsabilité aux autres."
Son prédécesseur à Matignon, Jean-Marc Ayrault, a ironisé sur la "souffrance" qu'avait dû endurer Arnaud Montebourg durant deux ans au gouvernement et a invité la presse à ne pas "faire des absents les vedettes" du congrès de Poitiers.
Jean-Christophe Cambadélis, élu à la tête du PS après avoir porté une motion qui a recueilli 60% des voix, a lui aussi regretté, au Grand Rendez-vous Europe 1-Le Monde-iTELE, qu'Arnaud Montebourg n'ait "pas daigné" participer aux débats.
"Il avait toute la possibilité de déposer un texte pour le congrès et de parler devant les militants (...). Il ne veut pas se soumettre au jugement des militants mais il veut juger les militants", a-t-il dit.
"C'est une insulte aux militants socialistes (...) Une fois que le vote est intervenu, et parce que c'est plus facile de se faire entendre quand on tape sur le Parti socialiste, et bien voilà le retour d'Arnaud Montebourg", a-t-il ajouté.
"Je vois que la critique comme d'habitude est extrêmement forte mais que les propositions sont extrêmement faibles ou alors, elles sont déjà engagées. C'est tout le problème d'Arnaud Montebourg."
"COMÉDIE DE L'IMPUISSANCE"
Dans leur tribune, Matthieu Pigasse et Arnaud Montebourg s'interrogent : "Est-il encore possible de sauver ce quinquennat et de le rendre enfin utile à notre pays ? Est-il encore possible d'éviter le désastre politique et moral pour cette gauche de gouvernement qui semble avoir abandonné la France ?"
"Oui, nous croyons qu'il n'est pas trop tard pour encore agir et engager enfin une politique différente et innovante. Il suffirait que nos dirigeants ouvrent leurs yeux sur le précipice qu'ils ont ouvert sous nos pieds (et les leurs)", écrivent-ils.
Alors que François Hollande avait promis en 2012 de faire baisser le chômage, l'exécutif s'est "rallié en deux mois" aux "exigences destructrices de l'austérité", déplorent-ils.
Ils voient dans "l'explosion du chômage, la hausse de la pauvreté et la montée du sentiment de vulnérabilité dans presque toutes les couches de la société française" les raisons qui jettent des millions de Français dans le vote FN.
"Ainsi, le conformisme politique est désormais devenu le principal adversaire du renouveau économique du pays", ajoutent-ils. "C'est lui qui nous paralyse et chaque mois qui passe le rend plus insupportable."
"Tout président élu commence par aller faire ses génuflexions à Berlin puis à Bruxelles, enterrant en 72 heures ses engagements de campagne. Et voici des années que cette comédie de l'impuissance publique dure", insistent-ils.
Ils invitent les dirigeants politiques français à cesser de mener une lutte "purement verbale" contre le parti d'extrême-droite pour agir sur les causes réelles de la montée du FN.
"Il faut refuser de se contenter d'attendre que la croissance revienne, comme s'il s'agissait d'un phénomène météorologique ou du cycle des saisons. Il faut refuser de se féliciter quand est annoncée, pour 2015, une progression du PIB de 1 % environ, après trois années de croissance zéro."
"Cela veut dire se battre pour la croissance en interrompant les politiques absurdes, inefficaces et anti-économiques de Bruxelles et rendre sous forme de baisses d'impôts ce qui a été lourdement prélevé sur les ménages", ajoutent Arnaud Montebourg et Matthieu Pigasse. "Cela veut dire ne plus se laisser faire par Berlin et Bruxelles et changer la politique économique nationale et européenne."
(Edité par Grégory Blachier)