La hache de guerre est déterrée entre Hermès et LVMH, après la révélation d'une plainte de la maison parisienne contre les conditions d'entrée du numéro un mondial du luxe à son capital, à laquelle le groupe de Bernard Arnault a riposté en annonçant à son tour des poursuites.
Confirmant des informations de Charlie Hebdo, Hermès International a indiqué mardi dans un bref communiqué avoir déposé le 10 juillet une plainte portant "sur les modalités d'entrée de LVMH dans (son) capital" à l'automne 2010, à laquelle il s'était à l'époque vivement opposé.
Cette plainte pour délit d'initié et complicité, ainsi que pour manipulation de cours est toujours "à l'étude" au parquet de Paris, a précisé une source judiciaire.
"En attendant de prendre une décision sur les suites à donner à cette plainte, le parquet de Paris a sollicité l'avis de l'Autorité des marchés financiers (AMF) sur l'entrée de LVMH dans le capital de Hermès", a déclaré cette source.
Le groupe du milliardaire Bernard Arnault, lui, n'a pas tardé à réagir, en annonçant dans un communiqué qu'il allait à son tour "déposer plainte pour chantage, dénonciation calomnieuse et concurrence illicite".
"LVMH réaffirme avec force que les conditions de son entrée au capital d'Hermès ont été parfaitement régulières", a déclaré le numéro un mondial du luxe, reprochant à Hermès de porter contre lui "des accusations graves et dénuées de tout fondement sur de prétendus dysfonctionnements de marché".
Il a accusé le sellier de chercher "à se substituer au gendarme de la Bourse", sans attendre le résultat de l'enquête ouverte depuis bientôt deux ans par l'AMF sur le dossier.
L'entrée surprise de Bernard Arnault au capital d'Hermès avait sonné comme un coup de tonnerre dans le monde feutré du luxe en octobre 2010.
"Totale sérénité"
LVMH avait dévoilé avoir acquis 17% du sellier par transactions successives réalisées via des instruments financiers complexes ("equity swaps"). Ce tour de passe-passe lui avait épargné les déclarations de franchissement des seuils des 5%, 10% et 15% du capital, imposées par la réglementation française.
Le président de l'AMF de l'époque, Jean-Pierre Jouyet, avait estimé que le stratagème n'était pas en soi illégal, tout en regrettant que les "equity swaps" ne soient pas comptabilisés au même titre que les actions dans les calculs pour les franchissements de seuil.
Sollicitée par l'AFP, l'AMF s'est refusée mardi à tout commentaire sur l'avancement de son enquête.
"C'est avec une totale sérénité que LVMH attend le résultat de la procédure en cours", a assuré de son côté le groupe de M. Arnault.
Le titre Hermès, qui oscillait aux alentours de 100 euros en 2008 et 2009, avait progressivement grimpé jusqu'à 160 euros au moment de l'annonce de Bernard Arnault. Il a poursuivi ensuite son envolée jusqu'à dépasser 290 euros en janvier 2012. Mardi, il s'échangeait légèrement sous les 230 euros.
Depuis son entrée fracassante au capital, LVMH a continué à grignoter des parts du sellier, dont il détenait fin mai 22,28%.
Hermès, qui se présente en artisan familial raffiné, a toujours récusé toute synergie avec le numéro un mondial du luxe, vu comme un industriel en quête d'abondance.
Pour réfréner les appétits de Bernard Arnault, la société familiale, fondée par Thierry Hermès en 1837, a verrouillé fin 2011 son capital en créant une holding, H51, à laquelle la grande majorité des héritiers ont apporté leurs titres, regroupant finalement 50,2% des actions.
"S'il y a eu une guerre, elle est finie", avait alors assuré le gérant d'Hermès, Patrick Thomas, tout en ajoutant que les actionnaires familiaux avaient "toujours la même demande" à l'égard de LVMH: qu'il quitte le capital, un scénario que le géant du luxe a toujours exclu.