Confrontée depuis trois ans à l'augmentation coûteuse des arrêts de travail, l'Assurance maladie vise 100 millions d'euros d'économies sur ce poste en 2018. Grâce à des contrôles renforcés, mais aussi en essayant de favoriser le retour au travail des assurés les plus en difficulté.
En 2015, 7,9 millions d’arrêts ont été remboursés dont 6,9 millions au titre de la maladie, "pour un montant total de près de 9 milliards d’euros, écrit l'Assurance maladie dans son rapport annuel Charges et produits.
Cela représente une hausse de 3,1% environ par rapport à 2014, qui s'est poursuivie en 2016 (+3,7%) et sur les cinq premiers mois de 2017 (+3,9%), explique à l'AFP le docteur François Xavier Brouck, en charge de la direction des assurés.
Vieillissement de la population, départs plus tardifs à la retraite ou encore augmentation des temps partiels thérapeutiques permettent en partie d'expliquer cette tendance.
Les arrêts de longue durée pèsent le plus lourd (en 2013, les arrêts de plus de six mois constituaient 5% du volume pour 40% des dépenses).
Les troubles mentaux en sont la première cause, suivis des lombalgies et autres troubles musculo-squelettiques, devant les tumeurs et les traumatismes.
Dans un contexte budgétaire fortement contraint, l'Assurance maladie a lancé un plan d'action en 2015 pour tenter de contenir l'inflation.
Au programme, renforcement de la lutte contre la fraude mais aussi de "l'accompagnement" des médecins prescrivant trop d'arrêts par rapport à leurs confrères, via des entretiens avec les médecins-conseil.
Plus de 16.000 généralistes ont ainsi été accompagnés. Pour les "plus atypiques", des procédures de mise sous objectif, voire de mise sous accord préalable (MSAP, l'arrêt de travail doit être validé par la sécu), peuvent être envisagées, mais elles n'ont concerné que 500 médecins environ en 2015, dont une cinquantaine de MSAP, selon M. Brouck.
Reste que tous ces "contrôles" sont "mal vécus" par la profession, selon Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France.
Les arrêts de travail sont généralement "justifiés", abonde son homologue de MG France, Claude Leicher, pointant du doigt une "augmentation considérable des troubles psychiques" chez les patients.
- "agents facilitateurs" -
Une expérience testée dans une dizaine de caisses d'assurance maladie suscite davantage leur intérêt : la mise en place d'"agents facilitateurs" faisant le lien entre l'assuré, le médecin traitant, le médecin conseil, la médecine du travail, les services sociaux...
Objectif ? Réduire la durée des arrêts, mais aussi prévenir leur chronicisation et le risque de désinsertion professionnelle. "Quelqu'un qui est en arrêt de plus de six mois a 50% de chance de ne pas reprendre le travail", rappelle M. Brouck.
Les patients suivis dans ce cadre ne sont pas tous arrêtés si longtemps mais identifiés comme pouvant bénéficier d'une aide.
Le facilitateur va ainsi appeler l'assuré pour vérifier par exemple s'il a bien programmé une infiltration, ou pour l'orienter vers un cabinet où il pourra rapidement faire une radio.
"Il va essayer de +booster+ les rendez-vous", explique Pierre Karim Qannari, cadre de proximité à la CPAM de Loire Atlantique, où est testé le dispositif depuis 2015.
Dans les cas les plus complexes, comme "un carreleur" qui ne pourra plus porter de dalles, l'assuré peut être orienté vers un service consacré à la prévention de la désinsertion dans une caisse de retraites pour suivre une formation.
Certaines situations "terribles", des cas de harcèlement nécessiteront eux l'intervention du médecin du travail, qui pourra prononcer l'inaptitude du salarié, interrompant de fait l'arrêt maladie, détaille M. Qannari.
Preuve du succès de l'expérimentation, plus de la moitié des 2.700 bénéficiaires recensés en mars sont retournés en emploi, alors que "72% présentaient un risque de désinsertion", se félicite M. Brouck.
Mais elle n'a rien d'une solution miracle : la Loire Atlantique a enregistré une forte hausse de ses indemnités journalières (IJ) sur les premiers mois de l'année 2017, supérieure à la moyenne nationale.
En 2016, seuls 24 millions d'euros d'économies ont été réalisés sur les 100 millions attendus de la maîtrise des IJ, estimait fin mai le comité d'alerte sur les dépenses d'assurance maladie.