PARIS (Reuters) - De nouveaux éléments publiés lundi, par Mediapart notamment, tendent à éclairer le rôle présumé joué par Alexandre Benalla dans la conclusion de contrats de sécurité avec deux oligarques russes proches de Vladimir Poutine, notamment pendant qu'il était employé par l'Elysée.
Selon le média d'investigation, qui cite notamment le dirigeant du groupe Velours choisi comme prestataire, "les deux contrats russes négociés par l'ancien collaborateur du chef de l'État français, avant et après son départ de l'Élysée, s'élèvent donc à 2,2 millions d'euros".
Le parquet national financier (PNF) a confirmé vendredi l'ouverture d'une enquête pour corruption sur un contrat de sécurité signé avec l'oligarque Iskander Makhmudov, dans lequel serait en outre impliqué Chokri Wakrim, ex-membre des services spéciaux et compagnon de la commissaire de police alors responsable de la sécurité du Premier ministre.
"Alexandre Benalla a assisté à deux trois rendez-vous sur ce contrat avec M. Crase et nous-mêmes", a déclaré lundi sur BFM TV Jean-Maurice Bernard, directeur de Velours. "M. Benalla a soufflé ou en tout cas connaissait les noms des cinq personnes qui nous ont été imposées par Vincent Crase."
Ces propos contredisent la version des faits présentée le 21 janvier par l'ex-collaborateur devant la commission des Lois du Sénat, chargée de prérogatives d'enquête dans cette affaire.
Interrogé sur sa connaissance d'un partenariat entre l'oligarque russe Makhmudov et Vincent Crase, Alexandre Benalla a déclaré sous serment : "Je peux vous affirmer que je n'ai jamais contribué à une quelconque négociation, conclusion, et que je n'ai jamais été intéressé au moindre contrat que M. Crase a pu passer avec qui que ce soit, et encore moins avec cette personne".
La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a mis en garde lundi sur les conséquences pénales d'un faux témoignage : "S'il y a des divergences, si M. Benalla avait menti par exemple, à ce moment-là il y a des sanctions qui sont prévues, qui vont jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende", a-t-elle souligné sur BFM TV.
"Il appartient au président de la Commission des Lois de saisir les autorités judiciaires pour, le cas échéant, déclencher ces éléments", a-t-elle ajouté, "on ne peut pas mentir devant une commission parlementaire".
DEUX CONTRATS À 980.000 EUROS
Selon Mediapart, la première réunion d'organisation du contrat, réunissant Velours, Alexandre Benalla et Vincent Crase, aurait eu lieu mi-mars 2018, lorsqu'il travaillait encore à l'Elysée, dans un bar à chicha proche de la présidence de la République, où le collaborateur de l'Elysée avait ses habitudes.
"L'accord de sous-traitance liant Mars (...) et Velours est signé le 25 juin", selon Mediapart, et le paiement de la première tranche du contrat (294.000 euros par trimestre) arrive le 28 juin sur le compte de Mars à la Société générale (PA:SOGN), dont une partie (172.200 euros) est reversée le 6 juillet à Velours.
Vincent Crase a précisé devant le Sénat qu'il s'agissait de prestations pour que les trois enfants de M. Makhmudov bénéficient d'un accompagnement journalier, et "que lui-même dispose d'une équipe comprenant un chauffeur et deux personnes, durant ses villégiatures en France".
Licencié le 23 juillet de la présidence, Alexandre Benalla aurait récupéré en octobre le contrat de l’oligarque Iskander Makhmudov, pour 980.000 euros, par le biais d'une société baptisée France Close Protection.
"Alexandre Benalla a par ailleurs contracté en décembre 2018 un second contrat de sécurité avec un autre oligarque russe proche de Poutine, Fahkad Akhmedov, d'un montant total de 980.000 euros", ajoute le média, portant à plus deux millions l'ensemble des accords passés.
Alexandre Benalla, licencié par l'Elysée pour son rôle dans des violences en marge des manifestations du 1er-Mai, a été mis en examen le 22 juillet dans ce volet, puis en janvier dans l'affaire de ses passeports diplomatiques, utilisés plusieurs mois pour des voyages après son départ.
L'ancien homme de confiance d'Emmanuel Macron n'a pas répondu aux demandes de réaction de Reuters. L'Elysée s'est abstenu de tout commentaire compte tenu de l'enquête judiciaire en cours.
(Julie Carriat, édité par Yves Clarisse)