PARIS (Reuters) - Plusieurs responsables politiques, à gauche comme à droite, ont pris dimanche la défense du philosophe Alain Finkielkraut, qualifié de "néo-réactionnaire" par ses détracteurs, après qu'il eut été insulté lors du rassemblement "Nuit debout" à Paris.
Des élus de droite réclament une action résolue des pouvoirs publics contre ce mouvement lancé le 31 mars à Paris et marqué par des débordements.
Des vidéos amateurs diffusées sur les réseaux sociaux montrent Alain Finkielkraut et son épouse, venus assister à "l'Assemblée populaire" place de la République, éconduits par des militants qui les insultent en criant notamment "fachos".
L'académicien a quitté les lieux en insultant à son tour des manifestants.
Interrogé par le "Cercle des volontaires", qui se présente sur internet comme un média "alternatif et indépendant", l'auteur de "L'identité malheureuse" affirme qu'"on a voulu purifier la place de la République de [s[a présence".
"J'ai été expulsé d’un mouvement, d’une place où doivent régner la démocratie et le pluralisme. Donc cette démocratie c’est du bobard, ce pluralisme c’est un mensonge", a-t-il notamment déclaré.
La ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a invité les organisateurs de "Nuit debout" à s'interroger sur les suites du mouvement et ses fondements.
"J'estime que la place de la République doit être accessible à tout un chacun", a-t-elle dit sur BFM TV. "Il ne faudrait pas que l'emportent les anti-démocratiques."
La ministre s'est inquiétée de possibles dérives après les débordements et violences survenus à plusieurs reprises en marge du rassemblement.
Le socialiste Julien Dray, proche de François Hollande, a regretté lui aussi l'incident sur iTELE, soulignant que "le principe de la démocratie, c'est de respecter les opinions des autres, d'en débattre et surtout de les combattre".
"Et on ne les combat pas avec des slogans, surtout quand c'est des slogans faciles. On les combat avec du fond", a dit le conseiller régional d'Ile-de-France.
"MINABLE"
"Mes désaccords avec Finkielkraut sont nombreux et parfois immenses mais je méprise ceux qui l'ont expulsé d'une place publique pour ses idées", écrit pour sa part Jérôme Guedj, membre du bureau national du PS, sur Twitter.
A droite, les témoignages de soutien à Alain Finkielkraut se multiplient.
"Le vrai visage de #NuitDebout, réinventer la démocratie en expulsant ceux qui ne pensent pas comme vous: minable", dénonce par exemple le président du Sénat, Gérard Larcher (Les Républicains), sur Twitter.
"Nuit debout, République couchée", estime pour sa part le député LR des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, sur son blog.
L'élu reproche "l'inaction et l'impuissance publique" face "à une extrême gauche minoritaire qui s’érige en représentant du peuple tout en étant hermétique aux vrais problèmes des Français."
"Hier soir, en accueillant et offrant une tribune à l’ancien ministre grec (des Finances) Yanis Varoufakis et en insultant et expulsant avec perte et fracas (...) Alain Finkielkraut, les participants au mouvement Nuit Debout montraient leur vrai visage. Celui de la haine et de l’intolérance."
Les Jeunes communistes se sont félicités sur Twitter d'avoir "tej" ("jeté") l'académicien.
La députée LR Nathalie Kosciusko-Morizet, l'une des rares à droite à cautionner le mouvement "Nuit Debout", dit "non" sur Twitter à "l'exclusion des idées". "Le sectarisme est une autre forme de pensée unique", écrit-elle.
La députée du Vaucluse (Front national), Marion Maréchal-Le Pen, a dénoncé au "Grand Jury" RTL-LCI-Le Figaro "un mouvement qui ne représente rien ni personne", des "jeunes, lycéens, étudiants qui se font plaisir" et "qui crachent sur Alain Finkielkraut".
Une quarantaine de militants de "Nuit debout" ont également chahuté samedi soir le président du Medef, Pierre Gattaz, lors de l'émission "On n'est pas couché" sur France 2. Le mouvement dénonce l'attitude du service de sécurité de la chaîne publique qui les a expulsés.
Interrogé jeudi dernier sur France 2 sur ce mouvement citoyen, François Hollande avait jugé légitime que la jeunesse "veuille s'exprimer, veuille dire son mot".
(Sophie Louet)