STRASBOURG (Reuters) - Le nombre d’attaques contre les journalistes et les médias a fortement augmenté en 2018 dans les pays européens, venant notamment des Etats, s’alarment douze Organisations non gouvernementales de défense de la presse et de la liberté d’expression dans un rapport publié mardi à Strasbourg.
Ces ONG, parmi lesquelles la Fédération européenne des journalistes et Reporters sans frontières, gèrent depuis 2015 une plate-forme numérique hébergée par le Conseil de l’Europe qui reçoit et met en ligne, après vérification, des alertes relatives aux attaques contre la presse.
"La liberté de la presse en Europe est plus fragile qu’elle l’a jamais été depuis la fin de la Guerre froide", affirment-elles dans l’introduction du rapport.
Celui-ci décompte 35 attaques contre l’intégrité physique des journalistes au cours de l’année écoulée, dont deux assassinats motivés par leur activité professionnelle, ceux du Slovaque Ian Kuciak dans son pays et du Saoudien Jamal Kashoggi dans le consulat saoudien à Istanbul, en Turquie.
Ces deux derniers crimes portent à 17 le nombre de meurtres de journalistes restés impunis depuis 2015, "un signal dérangeant de la façon dont les autorités nationales manquent à leur obligation de mener des investigations rapides pour garantir la liberté d’expression", notent les auteurs.
Le nombre de menaces contre des journalistes, y compris des menaces de mort, a doublé avec "une tendance, dans de nombreux pays, à injurier et à stigmatiser publiquement les journalistes, ce qui est notamment le fait de personnalités élues".
Le rapport cite le président tchèque, Milos Zeman, qui a regretté que les journalistes ne soient pas "une espèce disparue", ou le vice-président du Conseil italien, Luigi Di Maio, par ailleurs dirigeant du mouvement antisystème 5 Etoiles, menaçant de réduire les aides publiques à la presse.
L’Italie a droit à une mention particulière dans le rapport 2018. Elle fait partie des pays d’où émanent le plus grand nombre d’alertes en 2018, soit "treize alertes, le même nombre qu’en Russie" et trois fois plus qu’en 2017.
Sont mises en cause dans les menaces visant la presse "la mafia et le crime organisé" mais également le gouvernement en place depuis le 1er juin dernier et plus particulier ses deux vice-présidents du Conseil, Di Maio, et Matteo Salvini, par ailleurs dirigeant de la Ligue, située à l’extrême droite.
Celui-ci a notamment menacé de retirer la protection policière dont bénéficie le journaliste Roberto Saviano, en dépit des menaces de mort proférées contre lui par la mafia.
Autres pays pointés du doigt, la Turquie, "la plus grande prison de journalistes du monde" avec 110 cas d’incarcération sur 130 enregistrés en Europe, et la Hongrie où, depuis 2010, le gouvernement de Viktor Orban s’efforce, selon les auteurs, de contrôler progressivement l’ensemble des médias.
Les ONG s’inquiètent également de l’indifférence des Etats vis-à-vis des alertes qui leur sont communiquées. Le taux de réponse était de 39% l’an dernier. L’Italie, la Russie et la Turquie n’ont ainsi répondu à aucune alerte.
(Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse)