Avec son entrée en Bourse à 1 milliard de dollars, le réseau social Twitter semble choisir des débuts prudents à Wall Street, soucieux d'éviter les erreurs de son plus grand rival Facebook l'année dernière.
"La surprise, c'est qu'ils fassent une si petite opération", juge Michael Pachter, un expert des valeurs technologiques pour la société d'investissement Wedbush Securities qui évoque une valorisation d'environ 15 milliards de dollars pour l'ensemble de Twitter.
"C'est intelligent de leur part. L'erreur de Facebook a été d'inonder le marché", estime-t-il: le plus grand des réseaux sociaux avait placé en mai 2012 sur la plateforme électronique Nasdaq pour quelque 16 milliards de dollars d'actions, soit "bien plus que ce que le marché semblait prêt à absorber".
L'entrée en Bourse de Facebook avait tourné à la catastrophe: la première séance avait été émaillée de problèmes techniques, et il n'avait fallu que quelques jours pour que le cours de l'action se mette à plonger.
Lou Kerner, fondateur du fonds d'investissement Social Internet Fund, table sur un fort intérêt pour les actions Twitter étant donné l'engouement actuel pour les médias sociaux, mais prévient que le réseau a encore des efforts à faire.
"Beaucoup de gens vont sur Twitter et ont du mal à immédiatement y trouver de la valeur", explique-t-il, "ce n'est pas aussi facile que sur Facebook".
Ni Facebook, ni Google
Plusieurs analystes jugent par ailleurs décevantes les données financières dévoilées jeudi soir par Twitter.
Pour Shea Bennett, qui édite le blog All Twitter consacré à l'actualité du réseau, "la plus grande déception est le faible taux de croissance des utilisateurs actifs".
Le réseau revendique 218 millions d'utilisateurs actifs par mois à la fin juin, soit une progression de 44% sur un an. Mais cela représente "un gain de seulement 14 millions d'utilisateurs, soit 6,8%, depuis mars", souligne Shea Bennett, qui s'interroge sur les conséquences potentielles pour l'avenir du groupe.
Twitter a "une énorme base d'utilisateurs, c'est seulement à cause de la portée de Facebook (qui compte plus d'un milliard d'utilisateurs NDLR) qu'on regarde les 200 millions sans être impressionné", nuance Lou Kerner.
Twitter a en outre avoué une perte nette de près de 80 millions de dollars l'an dernier, et d'encore 69,3 millions de dollars pour le seul premier semestre 2013.
Son chiffre d'affaires en revanche a triplé en 2012 à 317 millions de dollars, et atteignait déjà 253,6 millions pour les six premiers mois de cette année, une croissance "impressionnante", selon John Battelle, un entrepreneur sur internet qui a notamment participé à la création du magazine Wired, spécialisé dans les technologies émergentes.
"D'un point de vue financier, Twitter n'est pas Google", dont les bénéfices et le chiffre d'affaires se comptent en milliards, "mais ce n'est pas une tortue non plus", écrit M. Battelle sur son blog, pariant sur des résultats "très solides" au troisième trimestre.
Trop d'optimisme?
Plus sceptique, Trip Chowdhry, analyste chez Global Equity Research, appelle à la prudence.
"L'optimisme sur Twitter est mal placé", estime-t-il, c'est "une super entreprise mais avec des valorisations horribles".
M. Chowdhry invoque un manque de détails sur "la qualité des revenus de Twitter", en particulier sur l'origine de leurs contrats publicitaires. Il juge aussi qu'étant donné la "concurrence brutale" auquel il est confronté, et des signes que les internautes se tournent de plus en plus vers des réseaux plus "visuels" comme ceux de photos Instagram (filiale de Facebook) ou Pinterest, Twitter ne devrait pas valoir plus de 3 milliards de dollars.
"L'entrée en Bourse de Twitter marque l'apogée de l'entreprise, pas le début de sa croissance", affirme-t-il.
Dans l'immédiat, l'opération semblait au moins faire un gagnant: l'homonyme du réseau social, le distributeur en faillite de produits électroniques Tweeter Home Entertainment, faisait l'objet d'une activité inhabituelle sur le marché de gré à gré. Les investisseurs confondant apparemment les deux titres, celui de Tweeter Home Entertainment, qui ne vaut que quelques cents, gagnait plus de 600% vers 16H30 GMT.