BERLIN (Reuters) - Le gouvernement allemand a jugé lundi "injustifiables" les études menées sur les effets sur des cobayes humains et des singes d'émissions de gaz d'échappement de voitures révélées ces derniers jours par la presse.
"Ces tests sur des singes, et même sur des hommes, ne sont aucunement justifiables du point de vue éthique et soulèvent de nombreuses questions cruciales qui sont à l'origine de ces essais", a déclaré le porte-parole du gouvernement, Steffen Seibert, insistant sur la "responsabilité particulière" des instances qui ont accordé ces contrats.
Le Stuttgarter Zeitung a rapporté dimanche soir qu'un organisme de recherche, financé par plusieurs constructeurs automobiles allemands, avait fait procéder à une étude scientifique sur les effets du dioxyde d'azote - que l'on trouve dans les gaz d'échappement - sur des cobayes humains.
Le New York Times a pour sa part fait état d'essais menés sur des singes de laboratoire.
L'étude dévoilée par le Stuttgarter Zeitung a été commandée par le Groupe européen de recherche sur l'environnement et la santé dans le secteur du transport (EUGT), dissous l'année dernière. Selon le Stuttgarter Zeitung, dont les informations n'ont pu être confirmées par Reuters, l'organisme de recherche était financé par Volkswagen (DE:VOWG_p), Daimler (DE:DAIGn) et BMW (DE:BMWG).
D'après le journal, environ 25 jeunes gens en bonne santé ont inhalé pendant plusieurs heures du dioxyde d'azote à des doses variées. Les tests étaient effectués dans un institut dépendant de l'université d'Aix-la-Chapelle, en Allemagne.
L'impact des gaz d'échappement sur les personnes n'a pas pu être déterminé par l'étude, publiée en 2016, précise le journal.
Dans un communiqué, le laboratoire de recherche de l'université a confirmé que l'EUGT avait financé cette étude en 2013 et 2014 mais ajouté que l'enquête était liée à la sécurité sur les lieux de travail, non aux émissions de diesel.
Se disant "consterné" par "la mise en place et l'ampleur de ces tests", Daimler a affirmé dimanche "condamner fermement" cette étude. Le groupe, qui a assuré n'avoir aucun lien avec cette étude, va tout de même lancer une enquête.
"CONSÉQUENCES RIGOUREUSES"
Le New York Times a révélé vendredi que l'EUGT avait aussi parrainé des tests effectués en 2014 sur des singes de laboratoire, forcés à inhaler des émanations de diesel provenant d'une voiture Volkswagen. Le but de l'EUGT était de défendre l'utilisation du diesel après que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a désigné le carburant comme cancérigène, précisait le journal américain.
Plusieurs membres du conseil de surveillance de Volkswagen ont réclamé une enquête relative à ces tests sur des singes, rapportent lundi des médias allemands.
Le constructeur allemand de même que Daimler et BMW les ont dénoncés dès samedi.
"Je ferai tout mon possible pour garantir que cette affaire fera l'objet d'une enquête détaillée", a promis lundi le président du conseil de surveillance de Volkswagen, Hans Dieter Pötsch, dans un communiqué.
"Si les personnes qui étaient en responsabilité à cette époque sont toujours présentes, il faudra envisager des conséquences au niveau du personnel", a dit quant à lui Bernd Osterloh, le chef du comité d'entreprise qui siège aussi au conseil de surveillance de VW, cité par Die Welt.
D'après le Bild, un courriel interne montre que plusieurs hauts responsables de Volkswagen étaient au courant de la recherche sur les singes. Le groupe a lui-même déclaré que certains membres du personnel, qu'il n'a pas identifiés, avaient été informés de ces tests. Ils appartenaient au département juridique, à la division de développement technique et à la filiale Volkswagen of America, a-t-il précisé.
Ces révélations interviennent sur fond de scandale provoqué par la découverte en 2015 de tests truqués d'émissions des voitures de la marque Volkswagen qui a remis en question l'avenir des moteurs diesel et illustré la difficulté qu'ont les constructeurs à se conformer à des règles de plus en plus strictes d'émissions d'oxyde d'azote.
Plusieurs villes allemandes envisagent ainsi d'interdire certains véhicules diesel en raison du taux "choquant" d'émissions d'oxyde d'azote mesuré dans l'atmosphère.
(Joseph Nasr et Tom Körkemeier avec Edward Taylor et Maria Sheahan à Francfort; Jean Terzian et Henri-Pierre André pour le service français)