par Richard Balmforth et Pavel Polityuk
KIEV (Reuters) - Des troupes russes ont été acheminées en territoire ukrainien, a affirmé jeudi le président ukrainien, Petro Porochenko, qui a annulé une visite prévue en Turquie et demandé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité et de défense ukrainien pour décider des mesures à prendre.
Sa déclaration fait suite aux revers subis au cours des dernières heures par les troupes ukrainiennes et à des annonces faisant état de la présence de militaires russes aux côtés des séparatistes.
Après les propos du président ukrainien, le rouble russe est tombé à son plus bas niveau face au dollar depuis le 18 mars. Il s'échangeait aux alentours de 10h20 GMT au taux de 36,66 pour un dollar.
"J'ai pris la décision d'annuler une visite de travail en République de Turquie en raison de la dégradation rapide de la situation dans la région de Donetsk, notamment dans les secteurs d'Amvrosievka et de Starobecheve, alors même que des mouvements de troupes russes sont en cours", a-t-il dit dans un communiqué diffusé sur le site internet de la présidence.
A Moscou, une responsable du conseil consultatif des droits de l'homme mis en place par le président russe Vladimir Poutine a déclaré à Reuters que les actes de Moscou en Ukraine équivalaient à ses yeux à une invasion.
"Lorsque des foules de personnes, sous les ordres de commandants, à bord de blindés, de véhicules de transport, et avec des armes lourdes, se trouvent sur le territoire d'un autre pays, franchissent la frontière, il s'agit à mon sens d'une invasion", a dit Ella Poliakova.
Le Conseil de sécurité et de défense ukrainien a confirmé que la ville de Novoazovsk, dans le sud-est de l'Ukraine, n'était plus désormais sous le contrôle de l'armée ukrainienne et qu'elle était passée sous celui de l'armée russe, tout comme d'autres secteurs du Sud-Est ukrainien.
"Une contre-offensive menée par les troupes russes et des unités séparatistes est en cours dans le sud-est de l'Ukraine", a dit le Conseil sur Twitter.
Le représentant de l'Ukraine à l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), Ihor Prokoptchouk, a lui aussi déclaré que les forces russes avaient pris le contrôle de la ville du sud-est ukrainien, parlant d'une "invasion directe de l'armée russe dans les régions orientales de l'Ukraine" et d'"un acte d'agression".
Son homologue russe, Andreï Keline, a assuré pour sa part qu'aucun soldat russe n'avait franchi la frontière.
La Russie, officiellement, continue de démentir toute intervention en Ukraine.
IATSENIOUK DEMANDE LE GEL DES AVOIRS RUSSES
Sur le terrain, les forces ukrainiennes ont aussi perdu le contrôle d'une hauteur stratégique, Savour-Mohila, à l'est de la grande ville de Donetsk, l'un des bastions des séparatistes, a-t-on appris de source militaire.
Ces revers soudains de l'armée ukrainienne semblent accréditer l'idée d'une entrée en lice de troupes russes venues renforcer les insurgés, qui subissaient ces dernières semaines la pression de l'armée de Kiev dans leurs bastions de Donetsk et de Louhansk.
L'Otan estime à un millier le nombre de soldats russes combattant désormais sur le territoire ukrainien aux côtés des séparatistes, a déclaré jeudi un responsable militaire au siège de l'Alliance, en Belgique.
Le chef séparatiste Alexander Zakhartchenko, Premier ministre de la république autoproclamée de Donetsk, a reconnu que des soldats russes servaient actuellement dans les rangs des séparatistes.
Il a indiqué dans une interview à Reuters que 3.000 volontaires russes se trouvaient aux côtés des unités séparatistes et que l'objectif de l'offensive des insurgés était, notamment, la grande ville côtière de Marioupol sur la côte de la mer d'Azov.
L'ambassadeur américain à Kiev, Geoffrey Pyatt, a également confirmé la présence de troupes russes en Ukraine sur Twitter : "Les tanks, véhicules blindés, pièces d'artilleries et lance-roquettes multiples fournis par la Russie n'ont pas suffi à défaire les forces armées ukrainiennes (...) Un nombre croissant de soldats russes interviennent directement dans le conflit sur le territoire ukrainien."
Le Premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, a demandé jeudi aux Etats-Unis, à l'Union européenne et au G7 de geler les avoirs russes jusqu'à ce que les troupes de Moscou se retirent du territoire ukrainien.
A Paris, le président François Hollande, a déclaré jeudi matin que la présence de soldats russes sur le sol ukrainien, si elle était confirmée, serait "intolérable" et "inacceptable".
"S'il était avéré que des soldats russes sont présents sur le sol ukrainien, ce serait intolérable et inacceptable", a déclaré le chef de l'Etat lors de la conférence des ambassadeurs.
(Avec Lina Kushch, Vladimir Soldatkin et Thomas Grove; Eric Faye et Agathe Machecourt pour le service français, édité par Marc Angrand)