PARIS (Reuters) - Rome multiplie les déclarations d'apaisement à l'égard de la France, "pays ami", au lendemain du rappel inédit de l'ambassadeur français en Italie, qui a fait franchir un nouveau seuil à la querelle entre les deux pays.
La France est une référence pour les droits sociaux et ses "Gilets jaunes" l'emblème d'un malaise européen, déclare le vice-président du conseil italien et chef du Mouvement 5 Etoiles Luigi Di Maio, dans un entretien publié vendredi par Le Monde où il justifie sa rencontre, mardi, avec des représentants du mouvement qui a provoqué la décision française.
La décision de Paris de rappeler son ambassadeur à Rome, sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, est notamment liée à la rencontre entre Luigi Di Maio et des "Gilets jaunes" mardi, qualifiée de provocation par Paris.
"L'Italie et le gouvernement italien considèrent la France comme un pays ami et son peuple, avec sa tradition démocratique millénaire, comme un point de référence, au niveau mondial, dans les conquêtes des droits civils et sociaux", déclare Luigi Di Maio dans le Monde.
"Je ne suis pas étonné que le peuple français montre des signes considérables de malaise vis-à-vis du démantèlement de certains de ces droits. Et ceci ne concerne pas seulement le gouvernement actuel", ajoute-t-il, citant notamment le quinquennat Hollande, des "recettes ultralibérales" menées par des partis de droite comme de gauche.
"C'est pour cette raison que j'ai voulu rencontrer des représentants des 'gilets jaunes' et de la liste RIC, parce que je ne crois pas que l'avenir de la politique européenne soit dans les partis de droite ou de gauche", dit-il.
"VOLONTÉ DE COLLABORATION"
"Les divergences politiques et de vision entre le gouvernement français et italien ne doivent pas affecter le rapport historique d'amitié qui unit nos deux peuples et nos deux Etats", conclut-il. "Je tiens à réaffirmer la volonté de collaboration de notre exécutif, sur les questions qui nous tiennent le plus à coeur, en tant que membre fondateur de l'Union européenne".
"Je revendique le droit de droit de dialoguer avec d'autres forces politiques qui représentent le peuple français", tempère-t-il cependant dans le quotidien romain Il Messagerro. "Je suis européiste. Et être dans une Europe sans frontière, cela signifie la liberté aussi pour les rapports politiques, pas seulement pour le mouvement des biens et des personnes".
De Beyrouth, le président du Conseil italien Giuseppe Conte avait insisté jeudi sur la profondeur des liens bilatéraux.
"J'aimerais dire que la relation entre l'Italie et la France est ancrée dans l'Histoire et qu'elle ne peut pas être remise en question par des incidents", avait-il dit. "Je crois que la situation peut être immédiatement réglée."
Le ministre de l'Intérieur, issu de la Ligue (extrême droite), Matteo Salvini, qui s'était dit prêt, jeudi, à rencontrer Emmanuel Macron, a étendu vendredi son invitation à son homologue français, Christophe Castaner.
"J'ai invité en Italie le ministre de l'Intérieur français, pour faire revenir en Italie les quinze terroristes qui passent du bon temps depuis des années en France. Je ne plie pas", a écrit sur Twitter (NYSE:TWTR) celui qui est aussi vice-président du Conseil.
"MARQUER LE COUP"
De source diplomatique, on exclut que le chef de l'Etat puisse rencontrer le vice-président du Conseil : "Quel respect ce serait pour les institutions italiennes si on voyait quelqu'un d’autre que le président du conseil ?"
En visite à Dreux (Eure-et-Loir), Christophe Castaner a dit être prêt également à accueillir son homologue italien.
"Hier j'étais avec le secrétaire d'Etat de Matteo Salvini dans une instance européenne et nous avons échangé sur les questions migratoires", a-t-il fait valoir. "Le dialogue est constant entre nous. Il faut qu'il soit respectueux. J'invite chacun à rentrer dans ce cadre-là."
Le vice-ministre italien des Affaires étrangères, Guglielmo Picchi, a replacé l'affrontement verbal dans le contexte d'une réaction aux critiques d'Emmanuel Macron, qui a parlé de "lèpre nationaliste" en référence aux partis populistes italiens.
"Une chose est d'être critique, une autre chose est d'être insultant", a dit à Reuters ce pilier de la Ligue.
Le gouvernement français a lui aussi montré une certaine volonté d'apaisement vendredi en soulignant que le rappel de l'ambassadeur n'était pas "permanent".
"Ça n'est pas un rappel permanent, il était important de marquer le coup parce que d'abord l'Italie est un partenaire, et est un allié historique de la France et puis c'est aussi un des pays fondateurs de l'Union", a dit le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, sur Europe 1.
"Il s'agit de dire 'la récréation c'est fini'", a ajouté la ministre française des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, sur Radio Classique, dénonçant une "ingérence malvenue".
(Julie Carriat, avec Jean-Baptiste Vey, Emmanuel Jarry et Crispian Balmer à Rome, édité par Yves Clarisse)