ROME (Reuters) - La justice italienne a relaxé lundi l'écrivain Erri De Luca, qui était poursuivi pour avoir déclaré dans une interview en 2013 que le projet de ligne ferroviaire à grande vitesse Turin-Paris devait être saboté.
Le procès de l'auteur napolitain de 65 ans, soutenu par les militants écologistes et de nombreux autres écrivains, était considéré comme un cas d'exemple pour la liberté d'expression en Italie.
Le parquet italien avait requis huit mois de prison fermes pour incitation à la délinquance. Le tribunal de Turin a estimé que les faits n'étaient pas constitués.
Le jugement a été salué par des acclamations dans une salle d'audience bondée.
Erri De Luca, récompensé par de nombreux prix pour ses poèmes et ses romans, soutient les militants opposés à la TAV (Treno Alta Velocità, l'équivalent du TGV) qui doit traverser la vallée de Suse dans le Piémont.
En 2013, après l'arrestation de deux militants interpellés avec des engins incendiaires et des cisailles dans leur véhicule, l'écrivain et ancien ouvrier avait déclaré au Huffington Post: "La TAV doit être sabotée. C'est pourquoi les cisailles sont nécessaires. Elles sont utiles pour couper les clôtures."
Erri De Luca avait alors été visé par une plainte de Lyon-Turin Ferroviaire (LTF), la société franco-italienne créée pour superviser les travaux préparatoires, qui estimait que de telles déclarations émanant d'une personnalité célèbre comme De Luca augmentaient les risques encourus par ses employés, dont certains avaient déjà reçu des menaces de mort.
Au début de l'audience, lundi, Erri De Luca a réaffirmé son opposition au projet et justifié son emploi du mot sabotage. "Ce que j'ai dit, je continuerai à le dire et à le répéter", a-t-il lancé. "Le mot saboter a une signification noble, même Mandela et Gandhi l'ont utilisé."
La ligne TAV, a-t-il ajouté, "doit être freinée, ralentie et entravée, donc sabotée pour la légitime défense de la santé, du sol, de l'air et de l'eau d'une communauté menacée".
Erri De Luca, qui a appartenu au groupe d'extrême gauche Lotta Continua dans les années 1970 et 1980, a déclaré que le projet de percement d'un tunnel de 57 km sous les Alpes risquait de provoquer la dispersion d'amiante et de dépôts radioactifs. LTF assure avoir mené des contrôles environnementaux rigoureux.
En février dernier, François Hollande et Matteo Renzi ont déclaré que les travaux débuteraient probablement en 2016, quinze ans après la signature du projet.
(Isla Binnie; Jean-Stéphane Brosse pour le service français)