par Brian Ellsworth
CARACAS (Reuters) - Forte du soutien de plusieurs pays, dont les Etats-Unis, l'opposition vénézuélienne entend continuer d'exercer sa pression sur le président Nicolas Maduro jeudi, au lendemain de la prestation de serment unilatérale du président de l'Assemblée, Juan Guaido, en tant que chef de l'Etat par intérim.
Donald Trump l'a immédiatement reconnu mercredi et John Bolton, son conseiller à la Sécurité nationale, a promis jeudi de faire le nécessaire pour que les revenus pétroliers lui parviennent à lui, plutôt qu'à l'administration de Nicolas Maduro.
"Ce que nous voulons aujourd'hui, c'est priver le régime illégitime de Maduro de ses revenus. Nous jugeons cohérent avec notre reconnaissance de Juan Guaido en tant que président vénézuélien par intérim que ces revenus aillent au gouvernement légitime", a-t-il déclaré.
Outre l'appui de Washington, qui a demandé la réunion, samedi, du Conseil de sécurité des Nations unies, le chef de file de l'opposition a reçu ceux du Canada et des gouvernements latino-américains orientés à droite, comme le Brésil et la Colombie, tandis que l'Union européenne et la plupart de ses Etats membres, dont l'Espagne et la France, ont appelé à la tenue d'élections démocratiques au Venezuela.
Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a écrit jeudi soir sur Twitter (NYSE:TWTR) que Nicolas Maduro n'avait "aucune légitimité démocratique".
De source canadienne, on indique qu'Ottawa accueillera en février ou en mars une réunion des pays membres du groupe de Lima, une organisation panaméricaine réunissant 14 Etats qui ont, dans leur grande majorité, apporté leur soutien à Juan Guaido.
A l'inverse, le Mexique, la Turquie, la Chine et la Russie ont apporté leur soutien à Nicolas Maduro, Moscou mettant particulièrement en garde contre toute tentative d'intervention militaire américaine.
Vladimir Poutine a téléphoné jeudi à son homologue vénézuélien pour lui exprimer son soutien et lui dire qu'il était favorable à une "solution pacifique" à la crise, a annoncé le Kremlin.
Le successeur d'Hugo Chavez a dénoncé mercredi une tentative de coup d'Etat et annoncé la rupture des relations diplomatiques avec les Etats-Unis, avant de décider, jeudi, la fermeture de l'ambassade et des consulats du Venezuela aux Etats-Unis.
Jeudi, le ministre de la Défense, Vladimir Padrino, a accusé à son tour l'opposition de vouloir renverser le "président légitime".
L'issue de la crise dépend en bonne partie de l'attitude de l'armée vénézuélienne, que Juan Guaido a appelée à se rallier à lui, mais dont les principaux chefs ont, à l'instar de Vladimir Padrino, jusqu'à présent fait bloc derrière Nicolas Maduro.
Quatorze personnes ont été tuées depuis le début de la nouvelle vague de manifestations antigouvernementales mardi, selon les ONG vénézuéliennes. De nombreux opposants craignent que Juan Guaido ne soit arrêté, comme son mentor, Leopoldo Lopez, maintenu en résidence surveillée depuis les manifestations de 2014.
L'EUROPE EN POSITION DE MÉDIATRICE
"S'il est vrai que Guaido a obtenu une reconnaissance internationale, la réalité du pouvoir est toujours entre les mains de Maduro", souligne Ronal Rodriguez, professeur de sciences politiques à l'Université Rosario de Bogota, en Colombie.
L'effondrement économique du Venezuela, avec une inflation annuelle proche de deux millions de pour cent, a jeté des centaines de milliers de contestataires dans les rues ces derniers jours.
Evoquant les manifestations géantes à Caracas, l'Union européenne a estimé dans un communiqué que les Vénézuéliens avaient "massivement réclamé la démocratie et la possibilité de décider librement de leur propre destin".
"Ces voix ne peuvent être ignorées. Le peuple vénézuélien a le droit de manifester pacifiquement, de choisir librement ses dirigeants et de décider de son avenir", ont ajouté les Vingt-Huit, en se gardant toutefois d'adopter une position aussi radicale que celle des Etats-Unis ou du Canada.
L'UE a imposé des sanctions au Venezuela et n'a pas envoyé de représentants à la récente investiture de Nicolas Maduro pour son second mandat après l'élection de l'an dernier boycottée par l'opposition.
Se plaçant en position de médiatrice, elle compte créer le mois prochain un groupe de contact avec les pays sud-américains pour tenter de trouver une solution à la crise, dont des diplomates soulignent qu'elle devra inclure Juan Guaido.
Alors que la plupart des pays européens se sont contentés d'appeler pour cela à la tenue d'élections libres, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a semblé aller un peu plus loin en invitant sur Twitter l'Europe à "s'unir derrière les forces démocratiques" au Venezuela.
(Avec Vladimir Soldatkin à MOSCOU et Michelle Nichols aux NATIONS UNIES; Tangi Salaün pour le service français, édité par Pierre Sérisier)