PARIS (Reuters) - La polémique sur les responsabilités dans l'invalidation de la taxe à 3% sur les dividendes, qui va coûter près de dix milliards d'euros aux finances publiques, a rebondi lundi soir avec l'intervention de l'ex-secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert.
Cette taxe, instaurée fin 2012, a été partiellement censurée par la Cour de justice de l'Union européenne en mai, puis définitivement invalidée par le Conseil constitutionnel au début du mois. Sa suppression définitive a été votée vendredi soir à l'Assemblée.
Le gouvernement, qui avait provisionné 5,7 milliards d'euros sur la période 2018-2021 pour faire face aux contentieux lancés par les grands groupes concernés dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour le quinquennat, chiffre désormais à près de dix milliards d'euros le coût des remboursements et des litiges liés à cette taxe.
Une "ardoise" liée à "l'amateurisme juridique" du précédent exécutif pour Christophe Castaner et "un scandale d'Etat" pour le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire.
Face aux critiques de l'opposition de gauche sur un budget "pour les riches", Bruno Le Maire ne s'est pas privé de dénoncer cet héritage fiscal dans l'hémicycle la semaine dernière lors de la discussion du budget.
Il a également annoncé avoir demandé à l'Inspection générale des Finances de diligenter une enquête pour "faire toute la lumière sur le processus de décision qui a conduit à faire adopter" cette taxe.
"SCANDALE"
"Ce scandale, ce ne sont pas les fonctionnaires qui en sont responsables, (...) ce sont les responsables politiques, ceux qui avaient la capacité de décider", a-t-il déclaré en invitant les députés de la Nouvelle gauche (ex-PS) à faire preuve d'"humilité" sur ce sujet.
Pour l'ex-secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert, auteur de l'amendement instaurant cette taxe fin 2012, la décision de Bruno Le Maire de demander une enquête est "sage" mais "il aurait pu commencer par là, avant de donner ses conclusions."
Dans un billet publié sur son blog, Christian Eckert rappelle que cette contribution avait été mise en place fin 2012 notamment pour faire face à des contentieux d'un montant de 4,5 milliards d'euros "laissé par le gouvernement précédent auquel Bruno Le Maire appartenait", du fait de la censure par la justice européenne d'un prélèvement mis en place durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Il souligne que toutes les analyses effectuées en 2012 avaient conclu "à la conformité au droit communautaire" et explique que la censure de la taxe repose sur une jurisprudence datant de fin 2016 et qui était donc "inenvisageable en 2012".
Pour Christian Eckert, la polémique vise à "faire diversion" et Bruno Le Maire et Gérald Darmanin "auraient sans doute été plus mesurés" s'ils avaient pris en compte le fait que de nombreux membres de la majorité actuelle ont participé au vote de cette loi.
"Si avant de parler de scandale et d'amateurisme juridique ils s'étaient interrogés sur le rôle du président (Emmanuel) Macron, secrétaire général adjoint de l'Elysée en 2012, qui s'occupait avant tout de fiscalité des entreprises, du secrétaire général de l'Elysée d'aujourd'hui, Alexis Koehler, directeur de cabinet du ministre des finances (Pierre Moscovici, ndlr) en 2012 et des parlementaires devenus ministres (Christophe) Castaner, (Gérard) Collomb, (Richard) Ferrand..., qui ont voté à l'été 2012 la loi de finances et tous ses articles, ils auraient sans doute été plus mesurés".
Bruno Le Maire a ouvert lundi des discussions avec le patronat sur la mise en place d'une "contribution exceptionnelle" des grandes entreprises pour financer la fin de cette taxe.
La solution négociée figurera dans le projet de loi de finances rectificatives de fin d'année pour 2017, que le gouvernement présentera à la mi-novembre.
(Myriam Rivet, édité par Sophie Louet)