PARIS (Reuters) - François Fillon a été mis en examen mardi dans l'enquête sur les emplois présumés fictifs dont aurait bénéficié sa famille, une nouvelle péripétie judiciaire aux effets potentiellement dévastateurs pour le candidat de la droite à la présidentielle.
L'ex-Premier ministre, qui a été entendu mardi par les juges, est mis en examen pour détournement de fonds publics, complicité et recel de détournement de fonds publics, complicité et recel d'abus de biens sociaux et manquement aux obligations déclaratives, a-t-on précisé de source judiciaire.
Le chef de "trafic d'influence" n'a pas été retenu.
La peine encourue pour détournement de fonds publics est de dix ans de prison et un million d'euros d'amende.
François Fillon s'est contenté lors de son audition de lire une déclaration rédigée au préalable, dans laquelle il a suivi sa ligne de défense habituelle : son épouse, Penelope, a bien travaillé à la Revue des deux mondes et comme attachée parlementaire à l'Assemblée nationale.
"J'attends d'être traité comme tous les citoyens de notre pays, sans précipitation et avec le seul souci que la justice soit rendue en toute impartialité", a-t-il dit, selon une retranscription de ses propos diffusée par son entourage.
Cette audition, dont le candidat avait initialement annoncé qu'elle aurait lieu le mercredi 15 mars, s'est déroulée à l'abri des regards et un jour plus tôt, à sa demande, pour éviter la pression médiatique, a déclaré sur BFM TV son avocat.
Antonin Lévy a expliqué que le juge Serge Tournaire avait dit lors de l'audition qu'il agissait rapidement compte tenu de la proximité de l'élection présidentielle et qu'une nouvelle audition n'était pas exclue avant le 23 avril.
LES RECOURS SERONT EXERCES
Le défenseur de François Fillon a ajouté qu'il exercerait tous les recours, mais pas avant le premier tour.
"Cette procédure, elle est pour moi viciée (...) jusqu'à la moelle", a-t-il poursuivi.
François Fillon, qui se dit victime d'une enquête "exclusivement à charge", a réaffirmé lundi qu'il irait jusqu'au bout de sa campagne malgré ses ennuis judiciaires, alors qu'il avait précédemment dit qu'une mise en examen le dissuaderait.
Ce nouveau rebondissement est donc embarrassant sur le plan politique mais il ne vaut pas déclaration de culpabilité : il pourra désormais être renvoyé en procès ou bénéficier d'une ordonnance de non-lieu, synonyme de fin de la procédure.
Depuis le 25 janvier et la révélation des emplois présumés fictifs de son épouse Penelope, François Fillon est plongé dans une procédure qui le condamne pour l'heure à une élimination dès le premier tour si l'on en croit les sondages.
Les événements qui se sont succédé depuis lors n'ont cessé de fragiliser sa candidature : perquisition à son domicile, enquête étendue à deux de ses enfants un temps rémunérés en qualité d'assistants parlementaires, ouverture d'une information judiciaire, révélations en chaîne dans la presse.
RÉVÉLATIONS EN CHAÎNE
Les juges sont par ailleurs sur la piste d'un prêt de 50.000 euros, non déclaré à la Haute autorité de la vie publique (HATVP), accordé en 2013 au candidat par son ami Marc Ladreit de Lacharrière, propriétaire de La Revue des deux mondes.
Ces derniers jours encore, les journaux ont publié des informations semblant alourdir le dossier.
Le Journal du dimanche a fait état dans sa dernière édition d'achats de costumes pris en charge par un mystérieux donateur et offerts à l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, pour un montant de 13.000 euros au cours du seul mois de février.
Et mardi, Le Parisien a révélé que deux enfants du couple Fillon avaient versé à leurs parents une part importante des rémunérations perçues en tant qu'assistants parlementaires de leur père, au Sénat, entre 2005 et 2007.
Marie Fillon a notamment reçu 46.000 euros nets pour le travail qu'elle dit avoir assuré auprès de son père au Sénat et elle a effectué en parallèle des virements pour un montant total de 33.000 euros sur le compte bancaire de ses parents.
Le vainqueur de la primaire a face à lui trois juges, dont Serge Tournaire, qui a façonné sa réputation d'intransigeance en instruisant des affaires politiquement brûlantes, comme celle dite Bygmalion ou celle de l'arbitrage Tapie.
Il a notamment renvoyé en février dernier Nicolas Sarkozy et treize autres protagonistes devant un tribunal correctionnel pour le financement présumé illégal de la campagne présidentielle menée en 2012 par l'ex-chef de l'Etat.
(Simon Carraud avec Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)