François Hollande pris en tenaille sur les déficits

Publié le 13/08/2014 23:02
François Hollande pris en tenaille sur les déficits

par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) - La publication jeudi des chiffres de la croissance pour le deuxième trimestre donnera le coup d'envoi de la "rentrée difficile" prédite par Manuel Valls pour le gouvernement français, pris en tenaille entre ses engagements européens et l'inflexion de sa politique réclamée à gauche.

François Hollande et son Premier ministre "feront le point" dès vendredi lors d'une réunion de travail au Fort de Brégançon (Var), une première occasion d'arrêter leur stratégie au lendemain de la publication des chiffres de l'Insee.

Le site de Matignon annonce la couleur: "Le volontarisme ne nous quittera pas car la rentrée va être difficile en matière de conjoncture économique. Nous devons réformer inlassablement".

Ces mots prononcés Manuel Valls à l'issue du séminaire gouvernemental du 1er août dernier donnaient le ton dès avant la pause estivale qui prendra fin mercredi prochain, avec le conseil des ministres de rentrée.

Publiés dans la foulée du recul de la production industrielle au deuxième trimestre, les chiffres de jeudi s'annoncent mauvais, augurant d'une révision à la hausse des prévisions du gouvernement, qui tablait sur 3,8% de déficit et 3,0% en 2015, conformément à ses engagements européens.

Cette révision, à laquelle s'attendent tous les économistes, devrait être annoncée une fois les données du PIB analysées et une nouvelle trajectoire de réduction des déficits devrait être négociée avec les partenaires européens de la France.

De l'emploi, toujours en baisse, au bâtiment, avec une chute des mises en chantier, tous les indicateurs français sont au rouge, à l'exception de la consommation qui est légèrement repartie au deuxième trimestre.

"FAIRE BOUGER LES LIGNES AU PLAN EUROPÉEN"

"L'exécutif est dans une situation de judoka", juge Stéphane Rozès, président de Conseil, analyses et perspectives (Cap). "Il faut utiliser les mauvaises nouvelles de la mi-août, utiliser ce moment difficile pour faire bouger les lignes au plan européen".

Ce changement est jugé nécessaire par Emmanuel Maurel, tenant d'une aile gauche du Parti socialiste très critique envers la politique de François Hollande, même si elle n'a empêché le vote d'aucun texte au Parlement.

"Il faut changer de cap, de braquet, de ce point de vue-là le sommet européen du 30 août est à mon avis décisif", a dit le député européen à Reuters. "François Hollande doit enfoncer le clou avec Matteo Renzi et dire que le pacte de stabilité ne peut pas être appliqué en l'état".

Le président français doit de nouveau réunir à Paris les dirigeants sociaux-démocrates européens, dont le président du Conseil italien qui assure la présidence de l'Union, pour tenter d'infléchir une politique européenne jugée trop austère.

Mais Paris doit composer avec l'intransigeance de Berlin, qui a opposé une fin de non recevoir à la demande de François Hollande d'infléchir sa politique économique pour soutenir la croissance dans la zone euro.

Les partenaires européens de la France la pressent d'approfondir les réformes afin de relancer la croissance.

L'exécutif français compte pour y parvenir sur les 50 milliards d'euros de baisses de charges du pacte de responsabilité, dont le conseil constitutionnel vient de censurer le volet social au nom de l'égalité.

Mais pour une partie des socialistes, cette remise en cause doit être l'occasion d'un changement de politique.

Dans une lettre ouverte au Premier ministre publiée le 9 août, Marie-Noëlle Lienemann, Emmanuel Maurel et Jérôme Guedj demandent "la suspension immédiate" du pacte de responsabilité et la mise en place d'"une vraie réforme de l'impôt".

Reste à savoir si François Hollande et Manuel Valls sont prêts ou sont en mesure de tendre l'oreille.

"Ce que je sens, c'est qu'il y a des hésitations face à une politique qui ne porte pas ses fruits. Il faut sortir de ce cadre trop contraint", dit Emmanuel Maurel. "Une majorité de socialistes, pas seulement par les 'frondeurs', veulent, pour le moins, un infléchissement de la politique actuelle".

SEUILS SOCIAUX

L'ancienne première secrétaire du PS Martine Aubry, sortie en juillet de sa réserve observée depuis deux ans, pense elle aussi qu'"il n'est pas trop tard pour réussir le quinquennat".

"Si depuis deux ans, dans tous les domaines, on avait eu une grande vision et une méthode, on aurait eu un peu moins de problèmes", a dit la maire de Lille à l'adresse de son ancien adversaire à la primaire socialiste de 2011.

Les élections sénatoriales de septembre, qui pourraient faire basculer à droite la chambre haute, feront figure de test.

"Ce scrutin est beaucoup plus ouvert qu'on le dit", veut croire un conseiller de François Hollande.

Le marasme économique sera en toile de fond de l'université d'été du PS à La Rochelle, où les branches de la "famille" socialiste, des "frondeurs" aux "hollandais" s'affronteront.

Parmi les idées concrètes sur la table figurent la mise en place d'une Contribution sociale généralisée (CSG) progressive, réclamée à gauche mais risquée sur le plan constitutionnel, ou encore la remise à plat du système des seuils sociaux, souhaitée par le Premier ministre mais rejetée par tous les syndicats.

Fin mai, le ministre du travail, François Rebsamen, avait provoqué une levée de bouclier en proposant de suspendre pendant trois ans l'application de ces seuils, qui créent des obligations telles que la création d'un comité d'entreprise à partir de 50 salariés.

Emmanuel Maurel repousse cette idée au nom d'une certaine "cohérence". "On ne peut pas prôner la démocratie sociale et priver les salariés de représentants dans les entreprises".

(Avec Ingrid Melander et Julien Ponthus, édité par Yves Clarisse)

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