par Elizabeth Pineau et Marine Pennetier
PARIS (Reuters) - François Hollande, dont les intentions étaient scrutées depuis des semaines par une majorité socialiste divisée et pessimiste sur les chances de figurer au second tour, a annoncé jeudi qu'il renonçait à se présenter à l'élection présidentielle de 2017.
"Aujourd'hui je suis conscient des risques que ferait courir une démarche, la mienne, qui ne rassemblerait pas largement autour d'elle, aussi j'ai décidé de ne pas être candidat à l'élection présidentielle", a dit le chef de l'Etat, le visage grave et visiblement ému, dans une déclaration à l'Elysée.
"Dans les mois qui viennent, mon devoir, mon seul devoir sera de continuer à diriger le pays, celui que vous m'avez confié en 2012, en m'y consacrant pleinement et dans le dévouement le plus total à la République", a-t-il ajouté après avoir dressé un bilan positif de son quinquennat.
C'est la première fois qu'un président en exercice de la Ve République renonce à briguer un second mandat. Cette décision survient dix jours après l'élimination de la course à la présidentielle d'un autre chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, qui avait annoncé dans la foulée son retrait de la vie politique.
Président le plus impopulaire de la Ve République, François Hollande était crédité de moins de 10% dans les sondages pour le premier tour de l'élection présidentielle alors que le candidat de la droite et du centre, François Fillon, caracole en tête des sondages pour le second tour de la présidentielle.
Son Premier ministre, Manuel Valls, qui a assuré à de nombreuses reprises être prêt à affronter la droite à la présidentielle, devrait donc concourir à la primaire de la gauche organisée fin janvier.
"SURSAUT COLLECTIF"
Il y affronterait notamment son ancien ministre de l'Economie Arnaud Montebourg et son ex-ministre de l'Education nationale Benoît Hamon, expulsés du gouvernement pour avoir contesté la politique et l'autorité de François Hollande.
Sans rien dire de ses intentions, le Premier ministre a estimé dans un communiqué que la décision du président sortant était "le choix d'un homme d'Etat" et que le quinquennat serait apprécié à sa "juste valeur : cinq années de progrès pour la France et les Français. (Pour les réactions :)
Dressant un inventaire de ses quatre années et demie passées à la tête de l'Etat, François Hollande a dit "assumer" son bilan, "revendiquant les avancées, en reconnaissant les retards et en admettant certaines erreurs". (Papier bilan:)
"Les résultats arrivent, plus tard que je ne les avais annoncés, j'en conviens, mais ils sont là : l'investissement, la consommation, la construction repartent et, depuis le début de l'année, le chômage enfin diminue", a souligné le chef de l'Etat qui avait fait de l'inversion de la courbe du chômage une condition pour sa candidature. "Il reste à un niveau très élevé et je mesure ce que cette situation peut avoir d'insupportable pour nos concitoyens qui vivent dans la précarité."
A cinq mois de l'élection présidentielle, il a épinglé les programmes des candidats de la droite et de l'extrême droite qui font la course en tête dans les sondages, appelant à "un sursaut collectif et qui engage tous les progressistes qui doivent s'unir dans ces circonstances".
"Je ne veux pas que la France soit exposée à des aventures qui seraient coûteuses et même dangereuses pour son unité, pour sa cohésion, pour ses équilibres sociaux, voilà le message que j'étais venu ici vous adresser", a-t-il dit.
"PAGAILLE POLITIQUE"
François Hollande met en garde contre le projet de François Fillon, "qui met en cause notre modèle social et nos services publics sans aucun bénéfice au contraire pour notre économie et avec un risque d'aggravation des inégalités".
Quant à l'extrême droite, systématiquement qualifiée pour le second tour dans les sondages, "elle nous appelle au repli, à la sortie de l'Europe et du monde", a-t-il dit. "Le plus grand danger, c'est le protectionnisme, c'est l'enfermement et ce serait d'abord un désastre pour les travailleurs français".
Dans un communiqué publié quelques minutes après la fin de la déclaration de François Hollande, François Fillon a dénoncé un quinquennat s'achevant "dans la pagaille politique et la déliquescence du pouvoir".
"Plus que jamais, l'alternance et le redressement de la France doivent être bâtis sur des bases solides : celle de la vérité sans laquelle il n'y a pas de confiance des Français et celle de l'action courageuse seule en mesure d'obtenir des résultats", a estimé l'ex-Premier ministre, qui fait figure de favori pour succéder à Hollande au printemps.
Emmanuel Macron, qui a démissionné du gouvernement en août pour se lancer dans la course à la présidentielle, a salué une décision "courageuse".
"Quand on a passé sa vie dans le combat politique, prendre la décision qu'il a prise aujourd'hui n'est pas neutre, quelle que soit son impopularité actuelle", a dit l'ex-ministre de l'Economie sur RTL.
Pour le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, le chef de l'Etat "avec élégance, hauteur de vue, sens de la France et non sans émotion, a décidé de protéger son bon bilan".
(avec Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)