par Gregory Blachier
BRUXELLES (Reuters) - Le nouveau président du Conseil européen, Donald Tusk, a été exaucé. Le sommet de Bruxelles s'est achevé avant minuit, une prouesse autant que le témoignage d'une volonté partagée avec la Commission : aller vite et à l'essentiel pour relancer l'Union.
La première réunion des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE présidée par le dirigeant polonais a donc été écourtée -- d'une demi-journée puisqu'elle devait être conclue vendredi et, sans doute, de discussions nocturnes devenues une antienne.
Le programme n'était ni très lourd ni très technique et la durée "exceptionnellement courte", comme l'a noté François Hollande à son arrivée en conférence de presse, vers 23h10, n'est pas surprenante, sauf pour les observateurs qui ont rarement vu un sommet européen, même banal, s'achever tôt.
Pour autant, le Conseil européen n'a pas été vain.
Les Vingt-Huit ont validé jeudi le plan d'investissement élaboré par la Commission présidée depuis quelques semaines par Jean-Claude Juncker, qui compte lever 315 milliards d'euros de financements sur trois ans, essentiellement privés.
Ils ont donné jusqu'à janvier à la Commission et juin au Parlement pour l'une écrire, l'autre voter le projet définitif, et sont convenus d'appeler la Banque européenne d'investissement à pré-financer des projets dès janvier.
Il leur aura donc fallu moins de deux mois après l'entrée en fonction du Luxembourgeois dont le nom s'était vite imposé aux principales forces de l'UE, Royaume-Uni excepté, à l'issue d'élections dominées par les conservateurs, en mai.
PROGRAMME DENSE D'ICI JUIN
A son arrivée à la tête d'une institution qu'il connaît par coeur, puisqu'il a été le doyen des Premiers ministres de l'UE, Jean-Claude Juncker avait évoqué une "Commission de la dernière chance". Intrusive pour les uns, inefficace pour d'autres, l'UE fait voeu de faire moins mais mieux.
L'exécutif européen a ainsi présenté cette semaine son acte de recentrage dans les domaines où elle a du poids, et a décidé de mettre fin à 80 programmes qui ne fonctionnaient pas, étaient au point mort ou trop complexes.
Le Conseil européen a aussi permis aux dirigeants des Vingt-Huit d'arrêter un calendrier dense pour les six prochains mois. La Commission devra lui présenter des avancées pour lutter contre l'optimisation fiscale en juin, un projet de marché unique de l'énergie en mars et du numérique en juin.
Les quatre présidents - Commission, Conseil, Eurogroupe et Banque centrale européenne - devront travailler sur la question de l'intégration de la zone euro et rendront compte de leurs avancées dès le sommet informel de février, puis encore en mars.
Autant de jalons posés pour que l'UE retrouve une dynamique et une force oubliée en partie parce que la Commission présidée par José Manuel Barroso jusqu'en octobre était considérée par beaucoup de capitales comme une chambre d'enregistrement, un organe exécutant bien plus qu'exécutif.
LE SUPERFLU OUBLIÉ
Cet ambitieux programme ne sera toutefois tenu que si les dirigeants d'un bloc encore hétéroclite, notamment parce que la monnaie unique ne concerne que deux pays sur trois, parviennent à prendre des décisions rapides et fermes.
Ils comptent pour cela sur Donald Tusk, qui a donc imprimé son style dès son premier Conseil : une réunion courte, des conclusions qui ne l'étaient pas moins et des points qui, s'ils n'étaient pas nécessaires, étaient renvoyés à plus tard.
Il n'a donc pas été longuement question des contributions des Etats au FEIS, le Fonds européen pour les investissements stratégiques qui est au coeur du "plan Juncker", si ce n'est pour dire qu'elles seraient exclues du calcul des déficits aux termes du Pacte de stabilité.
De même que la situation en Ukraine et en Russie, si elle a occupé le dîner, n'a pas étiré les agapes au-delà d'une heure raisonnable, en l'absence de changement majeur, donc sans qu'une décision sur les sanctions en cours soit à prendre à ce stade.
Les dirigeants européens ont pu quitter Bruxelles dès jeudi soir et n'auront pas vu les manifestants massés derrière le siège de la Commission vendredi matin pour protester contre le projet de traité de libre-échange avec les Etats-Unis (TTIP).
Un TTIP que les Vingt-Huit espèrent voir conclu "d'ici la fin 2015", ont-ils dit, quand bien même un diplomate juge ce délai "extrêmement court" pour ne pas dire impossible à tenir. Mais désormais, l'UE veut aller vite et le montrer.
(Edité par Yves Clarisse)