PARIS (Reuters) - Le conseil des prud'hommes de Paris a condamné jeudi UBS France à verser 30.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral à une ex-salariée qui aurait refusé de détruire des archives qui pouvaient selon elle nourrir des soupçons d'évasion fiscale.
Stéphanie Gibaud, ex-responsable marketing pour UBS France, a été licenciée en janvier 2012. Devant les prud'hommes, elle a dit avoir été victime de "brimades" de la part de sa supérieure hiérarchique.
Ce harcèlement se serait renforcé après juillet 2008, quand celle-ci lui aurait demandé de "détruire des fichiers de clients et prospects" impliqués selon elle dans une affaire d'évasion fiscale présumée, ce qu'elle aurait refusé.
Mais pour UBS, le litige entre les deux femmes était le fait d'une simple mésentente.
"Le harcèlement moral allégué est établi", peut-on lire jeudi dans le jugement du conseil des prud'hommes de Paris dont Reuters a eu copie. "Le préjudice morale et matériel de Madame Gibaud doit être évalué à 30.000 euros", ajoute le texte.
Son avocat, Me William Bourdon, a estimé que cette décision était une "satisfaction morale importante".
"Stéphanie Gibaud a subi un calvaire exceptionnel en refusant de se plier à la loi du silence qui lui était imposée", a-t-il dit à Reuters.
"Les dommages et intérêts ne sont pas à la hauteur des préjudices subis, mais il est vrai que nous sommes au début de la prise en compte par les juges français, et au-delà européens, des préjudices spécifiques et complexes subis par les grands lanceurs d'alerte comme Stéphanie Gibaud", a-t-il ajouté.
"LA BANQUE NE S'ACHARNERA PAS"
Dans un communiqué transmis à Reuters, UBS France a dit "prendre acte de ce jugement."
"La banque persiste à considérer qu'il n'y a pas eu de harcèlement à l'égard de son ex-salariée, comme l'avait déjà établi une décision du Tribunal administratif de Paris", poursuit-elle, précisant ne pas avoir l'intention de faire appel, au vu notamment des "faibles montants accordés" à Stéphanie Gibaud, 2,6% de ce qu'elle demandait.
"Si Madame Gibaud s'est acharnée dans les médias contre la banque, la banque ne s'acharnera pas contre Madame Gibaud", ajoute Jean-Frédéric de Leusse, président du directoire d'UBS France.
La maison mère d'UBS a été mise en examen à Paris pour blanchiment aggravé de fraude fiscale et démarchage illicite de clients français. UBS France a quant à elle été mise en examen pour complicité de démarchage illicite.
Les juges français soupçonnent la banque suisse d'avoir mis en place un système de blanchiment permettant à des résidents français de dissimuler leurs avoirs au fisc.
Le blanchiment présumé aurait eu lieu de 2004 à 2012, une pratique aggravée par son "caractère habituel", selon les enquêteurs, qui ont émis courant janvier des mandats d'arrêt à l'encontre de trois anciens responsables suisses de la banque.
UBS a dû verser une caution de 1,1 milliard d'euros dans cette affaire.
Les juges français ont évalué à un montant record de 4,88 milliards d'euros l'amende qui pourrait être infligée à la banque suisse si elle est reconnue coupable, apprenait-on en octobre dernier de source proche du dossier.
(Chine Labbé, édité par Yves Clarisse)