PARIS (Reuters) - Plusieurs dizaines de milliers de sympathisants de "La Manif pour tous" ont manifesté dimanche à Paris et Bordeaux pour dénoncer la politique de "déconstruction de la famille" menée selon eux par le gouvernement socialiste.
Ce collectif, opposé à la loi Taubira qui a accordé en mai 2013 aux couples homosexuels le droit de se marier, s'inquiète aujourd'hui d'une légalisation de la gestation pour autrui (GPA) et d'une extension aux homosexuelles de la procréation médicalement assistée (PMA), deux pratiques qui mettraient en danger la filiation, estime-t-il.
Quelque 70.000 personnes selon la police (500.000 selon les organisateurs) ont défilé dimanche à Paris, et 7.500 à Bordeaux selon la police (30.000 selon les organisateurs).
Sur leurs banderoles et pancartes, on pouvait lire "Papa + Maman, y'a pas mieux pour un enfant", "Touche pas au mariage, occupe-toi du chômage" ou encore "Hollande tes lois on n'en veut pas, les familles en colère".
Cette manifestation avait lieu alors que le gouvernement vient d'annoncer 700 millions d'euros d'économies sur les prestations familiales en 2015, offrant à "La Manif pour tous" un nouvel angle d'attaque de sa politique familiale.
Manuel Valls a joué l'apaisement vendredi en confirmant l'interdiction de la GPA en France, "pratique intolérable" selon lui, et en donnant la "priorité" à la famille. Une position réaffirmée dimanche par plusieurs membres du gouvernement.
Mais ces déclarations n'ont pas éteint les revendications de "La Manif pour tous", soutenue par une partie de la droite et de l'extrême droite, dont le candidat à la présidence de l'UMP Hervé Mariton et le député Laurent Wauquiez.
"Le gouvernement nous ment (...) on n'a jamais autant avancé dans la direction de la GPA", a déclaré Laurent Wauquiez sur BFMTV.
Dans le Journal du dimanche, la ministre de la Santé Marisol Touraine a accusé la droite d'alimenter "des peurs sans fondement."
"Il faut éviter que certains brandissent un épouvantail uniquement pour mobiliser dans la rue", a renchéri le ministre des Finances Michel Sapin sur i>TELE, Europe 1 et Le Monde.
"PAS UNE SEULE VISION DE LA FAMILLE"
Deux récentes décisions de justice ont attisé les craintes des sympathisants de "La Manif pour tous", dont 31% de Français se disent proches des valeurs et des idées, selon un sondage Ifop publié samedi par Atlantico.
En juin d'abord, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné la France pour son refus de reconnaître la filiation entre deux couples et leurs enfants nés d'une mère porteuse aux Etats-Unis. Un arrêt que le gouvernement n'a pas contesté.
Fin septembre ensuite, la Cour de cassation a estimé que le recours à la PMA à l'étranger par un couple de femmes ne faisait pas obstacle à l'adoption de l'enfant par l'épouse de la mère.
Pour la présidente de "La Manif pour tous", Ludovine de La Rochère, c'est un "encouragement à contourner la législation française".
À Paris, le cortège a quitté la porte Dauphine en début d'après-midi pour rejoindre Montparnasse, tandis qu'à Bordeaux, les manifestants se sont réunis sur la place des Quinconces avant de défiler dans le centre-ville.
Dans les deux villes, des "contre-manifestations" ont rassemblé quelques centaines de personnes venues défendre les droits des couples homosexuels.
"On est là pour dire qu'il n'y a pas qu'une seule vision de la famille", a expliqué sur BFMTV l'un des contre-manifestants parisiens, Nicolas Noguier, président de l'association Le Refuge, qui propose un hébergement temporaire aux jeunes victimes d'homophobie.
Le gouvernement veut empêcher une résurgence des tensions qui ont accompagné le débat parlementaire sur la légalisation du mariage gay et de l'adoption pour les couples de même sexe, mais il reste ferme sur l'application de la loi de mai 2013.
"Le mariage pour tous est un acquis", a déclaré dimanche Michel Sapin.
Cette question reste en revanche ouverte à droite. Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et François Fillon sont hostiles à la légalisation de la GPA et de la PMA pour les homosexuels, dont l'ancien président propose d'inscrire l'interdiction dans la Constitution. Mais ils ne souhaitent pas remettre en cause le mariage homosexuel, à la différence d'élus UMP comme Laurent Wauquiez.
Une majorité de Français (55%) sont favorables à l'autorisation de la GPA dans un cadre réglementé et 53% se disent favorables à l'extension de la PMA aux couples de femmes, selon un sondage Ifop pour l'Association des familles homoparentales (ADFH) diffusé dimanche.
Une large majorité sont par ailleurs contre la suppression de la loi Taubira (57%).
(Chine Labbé avec Claude Canellas à Bordeaux; Edité par Henri-Pierre André)