AJACCIO (Reuters) - La manifestation organisée samedi par les dirigeants nationalistes de l'Assemblée de Corse, engageant un bras de fer avec Paris pour faire entendre leurs revendications, provoque un vif débat au sein de la classe politique de l'île.
Le défilé intervient trois jours avant la commémoration des vingt ans de l'assassinat du préfet de Corse, Claude Erignac, qui se tiendra à Ajaccio, en présence du président de la République, en visite officielle pendant deux jours dans l'île.
'La date de cette manifestation n'est pas appropriée, la rue et la politique ne font pas bon ménage", a dit le maire (DVD) de la cité impériale, Laurent Marcangeli, à propos de ce défilé place sous le mot d'ordre « demucrazia è rispettu pè u populu corsu » (démocratie et respect pour le peuple corse).
Sur les rangs de l'opposition à l'assemblée de Corse, le chef de file de l'opposition libérale, Jean-Martin Mondoloni et le leader arborant les couleurs de la République en Marche, Jean-Charles Orsucci, ont annoncé sans surprise qu'ils ne participeraient pas à cette mobilisation.
Les responsables de la sécurité intérieure insulaire ne s'attendent a priori à des troubles sur la voie publique.
"A ce stade, nous sommes sereins car nous n'avons pas de signaux indiquant des éventuels débordements et sommes certains de la bonne foi des organisateurs pour que cela reste un mouvement pacifique", dit un officier de la préfecture de Corse.
"Cette manifestation est la conséquence de notre rencontre la semaine dernière avec le Premier ministre et le président du Sénat qui nous ont fermé la porte du dialogue et notamment l'inscription de la Corse dans la Constitution", a déclaré à Reuters Gilles Simeoni, le patron de l'exécutif local.
Il revendique "une autonomie de plein droit et de plein exercice", mais non pas l'indépendance.
"Si le gouvernement reste dans cette position, on va vers le blocage, d'où, au sortir de ces réunions, notre colère, notre déception et notre appel à une mobilisation populaire, large, déterminée et pacifique", a affirmé Gilles Simeoni.
"Nous sommes dans une démarche de dialogue, non dans une logique de tension, de chantage ou de menace ; la venue du président de la République est une occasion historique de renouer des relations fortes entre la Corse et l'Etat."
Depuis leur réélection à la majorité absolue en décembre dernier, les nationalistes veulent ouvrir un peu plus grand la porte de la décentralisation et faire graver dans la Constitution les spécificités corses.
"Si on nous fait rester dans le droit commun de l'article 72 comme nous l'a indiqué le président du Sénat, cela ne sert à rien : nous attendons un signal fort du président de la République", a indiqué à Reuters le président de l'Assemblée de Corse, l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni.
(Paul Ortoli, édité par Yves Clarisse)