par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - Au coeur de la crise des "Gilets jaunes" déstabilisante pour la majorité, des remous secouent le groupe La République en marche (LaRem) où les discordances se font plus volontiers entendre que durant la première phase de l'ère Macron.
Qu'il s'agisse de la procréation médicalement assistée (PMA), de la loi "anti-casseurs" en cours d'examen ou encore de la menace de supprimer les allocations aux parents d'élèves violents, des voix discordantes se font volontiers entendre.
Dernier exemple en date : la majorité, par la voix de Sacha Houlié, a demandé et obtenu mercredi en commission des Lois la suppression de l'article 1 du texte "anti-casseurs" relatif à la mise en place d'un périmètre de manifestation.
D'autres élus LaRem ont fait part de leurs réserves sur des éléments de cette proposition de loi basée sur un texte du sénateur Les Républicains Bruno Retailleau repris par le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner.
"Qu'il faille des dispositions d'ordre public, personne ne le conteste, mais de là à s'aligner sur Retailleau...", a dit à Reuters un élu de la majorité issu du Parti socialiste.
Autre signe d'une parole plus libérée à LaRem : la levée de bouclier contre un projet de baisse des allocations des parents d'élèves violents envisagé par le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer.
SANCTION CONTRE AGNÈS THILL ?
Jeudi, le groupe présidé par Gilles Le Gendre se penchera sur le cas d'Agnès Thill, députée LaRem opposée à l'ouverture de la PMA. Dans une interview à Oise Hebdo diffusée lundi, l'élue a comparé "la souffrance des femmes seules" qui souhaitent une PMA à celle des "drogués". Des paroles jugées "insupportables et méprisantes" par le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.
"Agnès Thill est très isolée sur la question de l'ouverture de la PMA. Mais avoir un avis est une chose et tenir des propos indignes en est une autre : c'est à l'opposé de nos valeurs", commente un député LaRem. "Si aucune sanction n'est prise à son encontre, cela pose un problème politique."
Sonia Krimi, connue pour son franc-parler, s'est déclarée mardi sur Twitter (NYSE:TWTR) "en désaccord" avec sa collègue tout en prônant "l'expression de toutes les opinions au sein du groupe".
"Les propos excessifs ou irritants se surmontent par la tolérance, la raison et le débat, non par l'exclusion", a écrit la députée LaRem, qui s'était notamment fait entendre lors de la loi "asile et immigration" votée dans la douleur l'an dernier.
En votant contre ce texte, le député de la Vienne Jean-Michel Clément s'était exclu du groupe majoritaire. Il a rejoint depuis le groupe Libertés et territoires, formation hétéroclite créée en septembre à l'Assemblée.
Autre départ plus récent : celui du député des Français de l'étranger Joachim Son-Forget, écarté pour des messages controversés sur Twitter. Celui qui avait brigué le poste de délégué général de LaRem est désormais apparenté au groupe UDI, Agir et indépendant et veut créer son propre parti.
"PAS LE TEMPS POUR LES ÉTATS D'ÂME"
Sébastien Nadot, député de Haute-Garonne, a quitté quant à lui le groupe en décembre, en cohérence avec un vote contre le Projet de loi de finances 2019.
Un départ en pleine crise des "Gilets jaunes" qui lui a valu "des milliers des mails" de félicitations, a rapporté à Reuters l'ancien enseignant, qui n'a aucune intention de rejoindre une autre formation. Après avoir siégé à la commission des Affaires étrangères, où il a interpellé le gouvernement français sur les ventes d'armes à l'Arabie saoudite, il fait désormais partie de la commission Développement durable.
L'aile "sociale" - représentée par des députés comme Brigitte Bouguignon, Aurélien Taché, Guillaume Chiche et Matthieu Orphelin - continue quant à elle de faire entendre sa voix, aiguisée lors de réunions régulières. Toujours fidèle à Emmanuel Macron, elle se veut une force de proposition autant qu'une vigie dans un pays en plein doute.
"On ne sera jamais pris en défaut de loyauté, de collectif ou de fidélité à la promesse originelle mais il faut de la réflexion, de la nouveauté", analyse un député de cette branche. "La France n'est pas une photographie, elle bouge, la politique est une guerre de mouvement. On ne peut se contenter de renforcer la citadelle quand tout le monde vous assiège."
Un avis que ne partage pas une collègue LaRem issue de la droite, pour qui la majorité "n'a pas le temps pour les états d'âme".
"Il faut arrêter de se regarder le nombril", a dit à Reuters cette figure montante du groupe majoritaire. "Notre méthode doit être fondée sur la sérénité avec l'objectif d'aider les Français à trouver des solutions, pas sur des clivages. Nous venons d'horizons différents, nous le savons, mais moi je travaille sur des dossiers qui ne sont ni de droite ni de gauche".
(Edité par Yves Clarisse)