par Gérard Bon
PARIS (Reuters) - Le Front national espère conforter lors du scrutin départemental de fin mars son statut de premier parti de France acquis aux élections européennes de 2014 et faire de son succès un nouveau marchepied pour l'échéance présidentielle de 2017.
Le parti de Marine Le Pen est donné dans la plupart des sondages en tête du premier tour avec près de 30% des intentions de vote, ce qui est son objectif premier, devant l'UMP et quelque dix points devant le Parti socialiste.
Mais un sondage Opinionway diffusé vendredi dernier le place en seconde position avec 28%, derrière la formation présidée par Nicolas Sarkozy (29%), ce qui laisse présager un bras de fer entre les deux partis jusqu'au 22 mars.
Handicapé par le mode de scrutin, le FN aura du mal à traduire cette avance au second tour et pense emporter au moins un département, le Vaucluse, même si, en fonction du score du premier tour, d'autres pourraient tomber dans son escarcelle.
Présent dans la quasi totalité des cantons, le FN compte néanmoins obtenir des dizaines d'élus, contre deux actuellement, et poursuivre un maillage du territoire visant à accroître les chances de Marine Le Pen en 2017.
"Si on a un département ou plusieurs, ce sera la cerise sur le gâteau", dit Florian Philippot, le vice-président du parti.
Pour nombre d'analystes, le parti frontiste reste pour l'instant une force de premier tour et risque de buter de nouveau sur l'obstacle du second tour.
"C'est le scrutin le plus défavorable au FN, c'est un scrutin de notables et la question du tandem n'est pas de nature à faciliter les choses", explique ainsi le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite.
"Il y a toujours ce barrage du second tour qui fait obstacle, on l'a vu aux législatives, aux municipales et ça se verra aux cantonales", ajoute-t-il.
PAS DE "PLAFOND DE VERRE", DIT LE FN
Pour la première fois, les candidats aux départementales devront être des binômes de sexes différents.
Nicolas Bay, le secrétaire général du FN chargé des élections, nuance l'idée d'un "plafond de verre" que le FN ne parviendrait pas à franchir, soulignant la victoire sur le fil du PS face au FN à la récente législative partielle du Doubs.
"Lors des partielles, que ce soit dans l'Oise ou dans le Doubs, nous n'avons pas gagné parce que nous n'étions pas dans des zones de forces", comme le Var ou le Pas-de-Calais, dit-il à Reuters.
Selon lui, le FN bénéficie pour le moment d'une dynamique car la gauche "déçoit terriblement" tandis que "l'UMP n'est pas encore parvenue à se reconstruire et aura du mal à faire oublier son bilan, a fortiori avec Nicolas Sarkozy" à sa tête. "On apparaît comme la principale force d'opposition", dit-il.
"SENTIMENT DE PANIQUE"
Le parti de Marine Le Pen devra surmonter une autre difficulté: compte tenu de la faible participation, il y aura peu de triangulaires et il risque de se retrouver souvent au second tour face au candidat UMP, un scénario a priori moins favorable que face à un candidat PS.
Jean-Yves Camus relativise toutefois ce handicap, rappelant que le FN a montré lors des législatives partielles qu'il était capable de mobiliser des abstentionnistes.
"Il faut voir si les électeurs de gauche accepteront de voter pour des UMP qu'on présente aussi à droite que le FN dans certaines régions", comme le Sud-Est, explique-t-il.
"Il y a une donnée nouvelle, on a attiré beaucoup de déçus de la gauche et il y a des exemples d'élections partielles où l'on gagne face à la droite", dit pour sa part Nicolas Bay.
S'il réussit à faire une entrée importante dans les assemblées départementales, le FN jouera un rôle de "faiseur de roi" et de majorité qui pourrait affaiblir un peu plus l'UMP.
Nicolas Sarkozy a menacé d'exclusion tout candidat UMP qui s'allierait avec le FN en vue du second tour. Mais Jean-Yves Camus souligne la porosité de l'électorat.
"Il y a un fossé entre l'appareil UMP et la base. On verra s'il y a effectivement des accords dans certains départements, on verra s'il y a des exclusions, ce qui pourrait faite tanguer la boutique UMP", dit-il.
Le FN assure, lui, qu'il n'y aura d'accord possible qu'au "troisième tour" du scrutin, pour la présidence des départements où il aurait peu d'élus.
Il a prévu à cette fin une charte qui servira de base à "un accord politique dans un esprit d'intérêt public", précise Nicolas Bay, pour qui la menace de Nicolas Sarkozy "traduit un sentiment de panique".
(Edité par Yves Clarisse)