par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Nouveau procès, nouveau président de tribunal et nouveau jury : l'ancien secrétaire d'Etat à la Fonction publique Georges Tron est jugé à partir de ce mardi par la cour d'assises de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour viols et agressions sexuelles en réunion, après une première tentative avortée de procès.
Le maire et ancien député Les Républicains de Draveil (Essonne) avait été dénoncé en mai 2011 par deux de ses ex-collaboratrices en plein scandale déclenché par les accusations d'une femme de chambre de l'hôtel Sofitel de New York contre Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI.
Georges Tron, 61 ans, avait dû démissionner de ses fonctions gouvernementales sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Brigitte Gruel, à l'époque maire-adjointe de Draveil chargée de la culture, 61 ans également, est jugée pour les mêmes faits.
L'un et l'autre rejettent les accusations de deux anciennes employées municipales, qui leur valent d'encourir une peine de 20 ans de réclusion criminelle.
Georges Tron crie à la manipulation, notamment de la part de ses adversaires locaux du Front national.
Un premier procès s'était ouvert le 12 décembre devant la cour d'assises de Bobigny en pleine tourmente médiatique sur la chute du producteur de cinéma américain affaire Harvey Weinstein, visé par une série d'accusations d'abus sexuels.
Après quatre audiences ponctuées d'incidents, les avocats de Georges Tron, Mes Eric Dupond-Moretti et Antoine Vey, avaient demandé le report du procès, sous prétexte qu'il se déroulait dans des conditions "totalement délétères".
Ils avaient invoqué la diffusion sur France 2 d'un reportage consacré à l'affaire et la teneur de messages publiés sur les médias sociaux critiquant le déroulement des interrogatoires, à même selon eux de parasiter l'audience.
Contrairement à l'usage, Me Dupond-Moretti avait en outre révélé à l'audience la teneur d'une conversation privée entre les avocats des parties et le président du tribunal.
MASSAGES DE PIED
Le magistrat avait notamment fait part de ses doutes sur sa capacité à mener sereinement les débats dans l'environnement médiatique qui était alors celui du procès et confié qu'il aurait préféré que ce soit une femme qui préside.
Il avait fini par accepter la demande de renvoi du procès en invoquant l'impossibilité de tenir les délais prévus.
"Nous attendons que ce nouveau procès aille jusqu'au bout et qu'il permette à nos clientes d'obtenir enfin justice", a dit à Reuters l'avocat d'une des plaignantes, Eva Loubrieu.
"Nous y allons avec sérénité et combativité", a renchéri son confrère Vincent Ollivier, avocat de la seconde, Virginie Faux.
Eva Loubrieu et Virginie Faux, embauchées à la mairie de Draveil en 2007 et 2008, ont raconté aux enquêteurs comment, sous prétexte de massage thérapeutique des pieds, dont Georges Tron se dit adepte, l'élu et son adjointe s'étaient adonnés sur elles à des séances d'attouchements et de jeux sexuels.
Elles ont également décrit l'emprise et les pressions exercées par Georges Tron et Brigitte Gruel, d'abord pour les contraindre à ces jeux, puis au silence.
Virginie Faux a fait deux tentatives de suicide. Eva Loubrieu, accusée de vol et licenciée en juillet 2009, a également tenté de se donner la mort en août 2010.
De nombreux témoignages recueillis au cours de l'enquête décrivent le maire de Draveil sous les traits d'un "fétichiste du pied", des femmes dénonçant le caractère clairement sexuel et déplacé de son comportement avec elles.
Des employés de la municipalité ont aussi souligné que les femmes recrutées par le maire étaient souvent dans une situation personnelle difficile (divorcées, sans emploi) et donc fragiles.
Dans un premier temps, un juge d'instruction avait prononcé un non lieu. Mais les accusatrices, présentées par Georges Tron et Brigitte Gruel comme des affabulatrices avec un penchant pour l'alcool, ont obtenu de la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris la mise en accusation des prévenus, confirmée en 2015 par la Cour de cassation.
(Édité par Yann Le Guernigou)