PARIS (Reuters) - Le barreau de Paris appelle à une grève générale empêchant toute audience à partir de ce lundi dans la capitale pour dénoncer le "passage en force" du gouvernement sur le financement de l'aide juridictionnelle.
Le mouvement, qui fait écho à la grogne des policiers, pourrait s'étendre à toute la France, le Conseil national des barreaux n'excluant pas d'élargir à tous les secteurs une grève de la désignation d'office des avocats.
Les avocats dénoncent le vote en catimini, selon eux, jeudi soir, de la disposition de la loi de finances qui oblige les avocats à payer de leur poche l'augmentation de l'enveloppe consacrée à l'aide juridictionnelle.
Ce prélèvement est de 15 millions d'euros pour 2016 et 2017.
"La place Vendôme est donc passée en force contrairement à tous les discours et engagements de Madame Christiane Taubira", la ministre de la Justice, déplore le bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur, dans un appel aux avocats de Paris.
Selon lui, le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert, a reconnu en séance "qu'il s'agissait effectivement d'un nouvel impôt" sur la profession d'avocat.
L'aide juridictionnelle (AJ) permet aux plus démunis d'accéder aux services d'un avocat.
Les avocats refusent de cotiser à une augmentation de son budget comme le leur a demandé Christiane Taubira, faisant valoir qu'ils participent déjà largement à son fonctionnement.
Ils affirment également que les indemnisations des avocats agissant au titre de l'aide juridictionnelle "seront dévalorisées d'environ 30%", écrit Pierre-Olivier Sur.
Sur le plan pénal, les avocats parisiens sont appelés notamment à ne plus assurer les audiences publiques : les comparutions immédiates, les affaires correctionnelles, ainsi que celles qui relèvent du tribunal de police.
"Il convient de poursuivre et même d'intensifier le mouvement de mobilisation", déclare pour sa part le président du Conseil national des barreaux (CNB), Pascal Eydoux.
Dans une lettre aux avocats, il ne "rejette pas l'hypothèse d'inviter à un mouvement plus fort par une grève totale des audiences par tous les avocats en toute matière".
Selon le CNB, à l'origine d'une grève des avocats commis d'office lancée la semaine dernière, 126 des 164 barreaux du territoire suivaient le mouvement vendredi dernier.
Christiane Taubira a défendu jeudi dernier sur France Inter la réforme de l'aide juridictionnelle, jugeant le système actuel "à bout de souffle".
Elle a expliqué que les avocats avaient une caisse, la Carpa, "dans laquelle transitent les fonds de leurs clients et qui rapporte des produits financiers" s'élevant à 75 millions d'euros, "dont le quart pour le barreau de Paris".
Christiane Taubira a promis qu'à partir de 2018, un fonds de participation de l'ensemble des professions judiciaires "prendra le relais".
(Gérard Bon, édité par Yves Clarisse)