MURSITPINAR Turquie (Reuters) - Des frappes aériennes de la coalition internationale emmenée par les Etats-Unis ont repoussé les combattants de l'organisation Etat islamique (EI) vers les faubourgs de la ville kurde de Kobani, dans le nord de la Syrie, ont affirmé mercredi des responsables kurdes joints dans la ville assiégée.
Les Etats-Unis, qui ont précisé avoir mené six frappes aériennes dans le secteur en deux jours, ont toutefois prévenu mercredi que cette localité n'était pas d'une importance stratégique dans leur lutte contre l'Etat islamique.
"Ils sont désormais à l'extérieur des entrées de la ville de Kobani. Les tirs et les bombardements ont été très efficaces et il en a résulté que l'EI avait été délogé de nombreuses positions", a dit Idris Nassan, de l'administration locale, joint par téléphone.
"C'est leur plus gros recul depuis leur entrée dans la ville et nous pouvons considérer cela comme le début du compte à rebours avant leur retrait du secteur", a-t-il ajouté.
Le commandement central de l'armée des Etats-Unis (Centcom) a précisé que six frappes aériennes avaient visé mardi et mercredi des positions de l'Etat islamique près de Kobani.
Dans un communiqué, le Centcom souligne que ces frappes ont détruit un véhicule blindé de transport de troupes, des blindés et une pièce d'artillerie appartenant aux djihadistes.
Les Etats-Unis ont toutefois paru dans le même temps minimiser l'importance de Kobani, ville adossée à la frontière turque assiégée depuis trois semaines par les combattants de l'EI, ce qui a provoqué un exode de près de 200.000 Kurdes syriens vers la Turquie.
"Aussi horrible que ce soit d'observer en temps réel ce qui se passe à Kobani (...), vous devez prendre du recul et comprendre l'objectif stratégique (des Etats-Unis)", a déclaré John Kerry aux journalistes.
"Au-delà de la crise à Kobani, les cibles initiales de nos frappes sont les centres de commandement et de contrôle (des djihadistes), les infrastructures", a poursuivi le secrétaire d'Etat.
"Nous essayons de les priver de la capacité de lancer (une telle offensive), pas seulement à Kobani mais dans l'ensemble de la Syrie et de l'Irak."
KERRY RENVOIE VERS LA TURQUIE
Le Pentagone a délivré le même message.
"Les gens doivent comprendre qu'il nous faut un peu de patience stratégique. (Les combattants de l'EI) ne vont pas s'envoler du jour au lendemain et Kobani tombera peut-être", a dit le porte-parole du Pentagone, le contre-amiral John Kirby. "Ils menaceront d'autres villes et ils en prendront d'autres. Cela va prendre un peu de temps."
Les frappes menées en Irak et en Syrie, les deux pays où est implanté l'Etat islamique, sont de natures différentes, a-t-il poursuivi.
"La campagne en Syrie est vraiment destinée à s'attaquer à la capacité de ce groupe à durer, recruter, former, équiper et se financer", a dit John Kirby.
En tout, les Etats-Unis, avec les Emirats arabes unis, ont effectué neuf raids aériens en deux jours en Syrie à l'aide de bombardiers, de chasseurs et de drones. Outre Kobani, ils ont frappé à deux reprises aux alentours de Rakka, dont les djihadistes ont fait leur capitale, et une fois aux abords de Daïr az Zour.
Avec la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, les Etats-Unis ont aussi mené mardi et mercredi cinq frappes aériennes contre des positions de l'EI en Irak, selon le Centcom.
L'imminence de la chute de Kobani, troisième ville kurde de Syrie, a déclenché mardi des rassemblements de soutien en Turquie qui ont dégénéré. Les affrontements entre des manifestants kurdes, ulcérés par la passivité de la Turquie, et les forces de l'ordre ont fait au moins 19 morts.
La Turquie a déployé des blindés le long de la frontière mais ceux-ci restent immobiles et silencieux.
Pour John Kerry, la Turquie devrait décider "dans les prochaines heures, les prochains jours" du rôle qu'elle peut jouer dans la lutte contre l'Etat islamique.
La Turquie s'est prononcée pour la création d'une zone tampon afin de protéger les populations civiles dans le nord de la Syrie. La France a apporté son soutien à un tel projet.
John Kerry et Philip Hammond ont été bien moins enthousiastes. Tout juste ont-ils dit que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne jugeaient cette proposition digne d'être examinée, à condition d'être précisée.
"Cela ne fait pas partie des options militaires que nous étudions. Cela dit, je pense qu'il s'agit toujours d'un thème de discussions", a quant à lui déclaré John Kirby.
(Daren Butler, avec Susan Heavey, Mohammed Zargham, Arshad Mohammed et Lesley Wroughton à Washington; Henri-Pierre André, Tangi Salaün et Bertrand Boucey pour le service français)