par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - Libéré de ses obligations de Premier ministre, Manuel Valls a entamé tambour battant les sept semaines de campagne qui le séparent de la primaire, où il aura fort à faire pour convaincre une gauche éclatée qui prépare l'exercice dans la confusion.
Bien placé dans les sondages, où il fait désormais la course en tête à gauche dans les dernières enquêtes, et épaulé par son directeur de campagne Didier Guillaume, président du groupe socialiste au Sénat, Manuel Valls a entamé mercredi son marathon par un premier meeting dans le Doubs.
Au même moment, les candidatures à la primaire de la gauche organisée les 22 et 29 janvier par le Parti socialiste se multipliaient comme des champignons après la pluie.
Une dizaine de personnalités sont désormais sur les rangs ou prêts à déclarer leur candidature.
L'ancien ministre de l'Education Vincent Peillon a fait savoir mercredi qu'il pourrait lui aussi tenter sa chance, tout comme la ministre de la Santé, Marisol Touraine, qui se prononcera "dans les prochains jours", selon son entourage.
Signe de la nervosité ambiante, un proche de la maire de Lille Martine Aubry, influente au PS, a démenti un soutien de cette dernière à une candidature Peillon.
La sénatrice Marie-Noëlle Lienemann propose quant à elle à Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, deux candidats de l'aile gauche, de faire candidature commune.
La Radicale de gauche Sylvia Pinel pourrait finalement participer à la primaire de la gauche, après avoir annoncé dans un premier temps une candidature en dehors.
EMBOUTEILLAGE
Un embouteillage "digne d'un congrès du PS", selon la formule d'un député socialiste, qui suscite l'inquiétude des responsables du parti.
Christophe Borgel, président du Comité national d'organisation au PS, estime que sept candidats, comme pour la primaire de droite, serait un chiffre acceptable pour ce vote qui pourrait, selon lui, déplacer entre 2 et 3,6 millions d'électeurs. [L5N1E25MV]
Le candidat de "La France insoumise", Jean-Luc Mélenchon, et l'ex-ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, qui sera samedi pour un meeting annoncé comme important à Paris, refusent quant à eux de participer à la primaire.
Manuel Valls a laissé mardi les clefs de Matignon à Bernard Cazeneuve, qualifié d'"ami" et de "frère", une formule franc-maçonne laissant entendre une bonne disposition du nouveau chef de la majorité à son égard.
Le nouveau Premier ministre a toutefois déclaré mercredi lors du conseil des ministres, à propos de la primaire, que "le gouvernement ne pouvait pas être un lieu de débat".
François Hollande, qui a renoncé à briguer un second mandat, se gardera quant à lui d'intervenir.
"Le président parlera de tout sauf de la primaire", affirmait mercredi un membre de son entourage. "Si le président avait voulu peser dans la primaire, il aurait été candidat."
Soupçonné de déloyauté par une partie des "hollandais" qui l'accusent d'avoir pressé le président de renoncer, Manuel Valls compte toutefois des soutiens de poids au gouvernement.
Selon son entourage, l'ex-Premier ministre peut compter sur Jean-Jacques Urvoas (Justice), Jean-Marie Le Guen (Francophonie), Patrick Kanner (Sports), Harlem Désir (Affaires européennes) ou encore Laurence Rossignol (Droits des femmes).
"Je soutiens Manuel Valls parce que je n'imagine pas une élection présidentielle qui se ferait avec des candidats de droite, de gauche ou indéterminés qui tous, soit enjamberaient le bilan du quinquennat, piétineraient le quinquennat ou s'essuieraient les pieds sur le quinquennat", a déclaré cette dernière sur France Inter.
"AUTORITARISME"
Proche de François Hollande, un temps pressenti pour entrer à Matignon, Jean-Yves Le Drian reste très discret sur la question d'un soutien à Manuel Valls, qu'il avait considéré comme "le mieux placé" en cas de renonciation du président.
Dans son discours de candidature, lundi à Evry, Manuel Valls a fait des appels du pied à une aile gauche du PS rétive depuis longtemps à sa vision jugée droitière.
Pour François Rebsamen, proche de François Hollande, le Premier ministre devra en effet mettre de l'eau dans son vin.
"En politique, on n'avance que par le compromis. On ne gouverne pas la gauche avec un 49-3", a-t-il dit sur RTL, en référence à deux textes adoptés sans vote à l'Assemblée, au grand dam des députés PS "frondeurs".
"Je regarde pour le moment, mais il a de l'autorité, il a une autorité naturelle, elle ne doit pas se transformer en autoritarisme", a-t-il ajouté.
L'entourage de Manuel Valls relativise "la déception" des soutiens du président, qui "accuse le coup" selon un proche.
"L'état d'esprit du président est très constructif, assez amical, affectif, donc je pense que les hollandais sauront voir ce qui est essentiel", a dit un proche de Manuel Valls, citant notamment la lutte contre le Front national et l'importance que "la gauche ne disparaisse pas des radars".
Pour Emmanuel Macron, en revanche, Manuel Valls s'est rendu coupable de trahison à l'égard du président.
"J'aime les combats à visage découvert. Tout le contraire des tireurs couchés", a-t-il déclaré au Journal du dimanche.
(Avec Jean-Baptiste Vey, Simon Carraud, Marine Pennetier et Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)