PARIS (Reuters) - Le ministre de l'Economie a voulu se montrer ferme dimanche face à la menace d'une grève d'usure promise par les syndicats de la SNCF en réaffirmant la détermination du gouvernement à maintenir ses positions.
"Oui nous tiendrons", a assuré Bruno Le Maire sur France Inter. "Si nous sommes capables jour après jour d'expliquer les enjeux, de continuer la discussion avec les syndicats, au bout du compte, qu'est-ce qu'on peut avoir ? Une SNCF qui marche mieux, qui devient compétitive, qui reste ce grand service public qui fait la fierté de tous les Français".
Les syndicats majoritaires de la SNCF ont annoncé une grève de deux jours sur cinq à partir du 3 avril jusqu'à la fin du mois de juin pour s'opposer à la réforme.
Cette dernière prévoit l'organisation de l'ouverture à la concurrence et une transformation de la gestion du personnel permettant l'arrêt des recrutements au statut de cheminot.
"J'ai un peu de mal à comprendre qu'au moment où nous sommes en train de discuter de l'avenir de la SNCF, la grève soit un préalable", a ajouté Bruno Le Maire. "Moi je trouve que ça, ce sont des réactions datées".
"On discute, nous échangeons les points de vue de chacun. Mais au bout d'un certain temps, je crois que le président de la République et cette majorité à laquelle j'appartiens, nous avons été élus pour décider", a-t-il ajouté.
Le gouvernement a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi d'habilitation pour légiférer par ordonnances, une méthode qui a exacerbé la colère des organisations syndicales.
PAS DE RÉÉDITION DE 1995
Des dispositions issues des deux prochains mois de concertation pourraient toutefois être introduites par amendement dans le projet de loi au cours du débat parlementaire.
Bruno Le Maire ne croit pas à un conflit social de grande ampleur comme celui de 1995 qui avait forcé le gouvernement à reculer.
Le contexte est différent, explique-t-il. Contrairement au Premier ministre d'alors, Alain Juppé, l'exécutif a laissé "de côté la question des retraites pour ne pas alourdir la charge".
Ce thème est effectivement le sujet "fédérateur entre tous des mécontentements", estime l'ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy, Raymond Soubie. Attendue mi-2018, la réforme des retraites qui prévoit une harmonisation de l'ensemble des régimes a été finalement annoncée pour 2019.
Pour le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, "c’est le gouvernement qui choisit le rapport de force".
"Pour éviter de parler des vrais problèmes, le gouvernement stigmatise les cheminots et leur statut", déclare-t-il dans une interview à paraître lundi dans les quotidiens régionaux du groupe Ebra. "Ce n’est pas le statut des cheminots qui fait que les trains arrivent en retard."
"C’est une démarche doctrinaire et idéologique", ajoute-t-il. "La réforme de la SNCF mérite un débat, un vrai débat contradictoire".
UN PRINTEMPS SOCIAL AGITÉ
L'exécutif devrait faire face à un printemps social agité, avec une montée en puissance des mécontentements provenant des fonctionnaires, des retraités et du personnel des maisons de retraites médicalisées (Ehpad).
Une première manifestation nationale est prévue le 22 mars, à l'initiative des syndicats de la fonction publique.
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, qui balaie le scénario d'une "convergence des luttes", estime que le gouvernement a raison de mener de front plusieurs réformes, car "cinq ans, c'est court".
"Nous avons un devoir d'efficacité, donc nous ouvrons tous les sujets de façons concomitante", a-t-elle dit dans le Journal du Dimanche.
Le président du Sénat, Gérard Larcher (LR) a soutenu dimanche au 'Grand Rendez-vous' Europe 1, Les Echos, CNews l'esprit de la réforme mais remis en cause le choix de la méthode.
"Je suis personnellement pour l'ouverture à la concurrence, le changement statutaire et le dialogue social", a-t-il dit. "Mais on n'a pas à mon avis besoin de l'argument rapidité pour passer par les ordonnances".
Pour le Parti socialiste, "en décidant de passer en force par le recours aux ordonnances qu’il n’avait pas annoncé aux Français sur ce sujet, le gouvernement prive le pays d’un temps indispensable de débat démocratique".
(Caroline Pailliez, édité par Nicolas Delame et Danielle Rouquié)