PARIS/MAUBEUGE, Nord (Reuters) - Emmanuel Macron s'est efforcé jeudi de désamorcer la polémique, à ses yeux "inutile", née de ses déclarations sur Philippe Pétain, expliquant qu'il n'avait jamais voulu lui rendre d'hommage individuel mais l'inclure dans les cérémonies honorant collectivement les combattants de la Première Guerre mondiale.
"Vous avez quand même le goût des polémiques inutiles", a-t-il répondu à des journalistes en marge de la visite d'une usine à Maubeuge (Nord), étape de son "itinérance mémorielle" organisée pour le centième anniversaire de la fin du conflit.
"Je pense que sur ces sujets, le pays a besoin d'autre chose que de la boîte à folie dans laquelle vous vous êtes collectivement installés", a déclaré le chef de l'Etat, qui avait jugé mercredi légitime d'honorer les maréchaux et qualifié le vainqueur de Verdun de "grand soldat".
Face à la polémique, l'Elysée a fait savoir mercredi soir que "seuls les maréchaux présents aux Invalides" seraient honorés samedi lors de la cérémonie orchestrée par l'état-major des armées et le gouverneur militaire de Paris.
Des gerbes seront successivement déposées sur les tombeaux du maréchal Foch et du maréchal Lyautey, puis au caveau des gouverneurs, où sont inhumés les maréchaux Maunoury, Fayolle et Franchet d'Esperey, a précisé la présidence.
La cérémonie devait initialement rendre hommage à l'ensemble "des chefs militaires, du caporal au général" ayant contribué à la victoire.
"JE REGARDE L'HISTOIRE EN FACE"
"Là-dessus, il y a une fausse polémique, il n'a jamais été question d'avoir une célébration individuelle pour le maréchal Pétain, jamais", a dit Emmanuel Macron à Maubeuge, reprenant à son compte la ligne de conduite suivie par ses prédécesseurs depuis Jacques Chirac en 1995.
"J'ai condamné profondément le Pétain de 40 et je l'ai toujours fait sans ambiguïté", a-t-il poursuivi, "de l'autre côté, je regarde l'histoire en face et je l'ai dit hier, il y a un maréchal Pétain qui a été un des acteurs et des grands soldats de 14-18 et ça, vous ne pouvez pas l'effacer".
"Il ne faut pas de police de l'histoire, je ne crois pas au manuel de l'histoire qu'on biffe", a renchéri le chef de l'Etat dans une interview accordée à France 3 dans la soirée. "Il est évident que le même maréchal Pétain, héros de 14-18, a été un dirigeant terrible qui a conduit l'Etat français et qui a porté des décisions au nom de l'Etat français impardonnables".
Plusieurs membres du gouvernement ont relayé jeudi le message selon lequel il n'a jamais été envisagé de réserver des honneurs particuliers au chef de Vichy, condamné à mort après la Seconde Guerre mondiale pour "intelligence avec l'ennemi" et "haute trahison" - sa peine a ensuite été commuée en réclusion à perpétuité - et frappé d'indignité nationale.
"ERRANCE MÉMORIELLE"
Pour le ministre de la Culture, Franck Riester, qui s'est exprimé sur LCI, "on voit bien que beaucoup d'adversaires du président de la République tentent tout pour essayer de décrédibiliser (Emmanuel Macron)".
Dans les rangs de la gauche, les critiques fusent depuis mercredi.
"L'histoire n'isole pas une étape, même glorieuse d’un parcours militaire", a notamment réagi l'ex-président socialiste François Hollande. Aux yeux du député de La France Insoumise Alexis Corbière, "l'erreur qu'a faite hier Emmanuel Macron, c'est de dire qu'il est légitime qu'on rende hommage au maréchal Pétain".
"Il fait un parcours mémoriel qui ne peut pas être une errance mémorielle. Son parcours mémoriel, ça impose que sa parole est symbolique", a-t-il estimé sur Europe 1.
Emmanuel Macron a en revanche reçu le soutien indirect de Serge Klarsfeld, président de l'association "Fils et filles de déportés juifs de France", qui a estimé qu'on ne "pouvait effacer quelqu'un de l'histoire quand il y a joué un rôle".
"Le président ne sera pas présent à la cérémonie des Invalides avec laquelle il prend ainsi ses distances", a-t-il souligné dans un communiqué. "Il a marqué sa différence avec ses prédécesseurs, en particulier avec de Gaulle et Mitterrand, en ne fleurissant pas la tombe de Pétain."
(Marine Pennetier et Simon Carraud, édité par Jean-Baptiste Vey)