par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - L'ancien ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, officialisera mercredi sa candidature à l'élection présidentielle de 2017, une décision qui perturbe la primaire de la droite et coupe l'herbe sous les pieds de François Hollande et Manuel Valls.
"Il a pris sa décision. Elle était prise depuis longtemps. Il l'annoncera demain", a déclaré à Reuters un de ses proches.
Emmanuel Macron fera une déclaration à la presse à 10h30 lors d'une visite à un centre d'apprentissage de Bobigny (Seine-Saint-Denis), près de Paris, précise son entourage.
Nombre des soutiens de l'ancien banquier de 38 ans le pressaient de se déclarer. A trop attendre, estimaient-ils, il risquait de décevoir les attentes d'une partie de ceux que son discours en faveur d'un renouvellement de la politique séduit.
Selon un de ses proches, Emmanuel Macron sait qu'il sera candidat depuis la création de son mouvement "En Marche !" en avril, bien avant sa démission du gouvernement, fin août.
"Il était conscient depuis un an que le président de la République ne serait pas en état de se présenter" avec la moindre chance de succès, explique ce soutien de l'ex-ministre.
Emmanuel Macron, qui se veut l'artisan d'un "rassemblement de progressistes" le plus large possible, a bâti les conditions de sa candidature à marche forcée.
"En Marche !", qui revendique aujourd'hui plus de 96.000 adhérents, s'est doté d'une structure nationale et territoriale, avec un secrétaire général, le député PS Richard Ferrand, des référents départementaux et plus de 1.800 comités locaux.
L'ancien ministre a également commencé à dessiner un projet présidentiel, fruit de la collecte sur le terrain de milliers de témoignages. Il a lui-même multiplié déplacements et rencontres et devrait faire la synthèse de ses propositions lors d'un grand meeting, le 10 décembre, probablement à Paris.
PRÉFÉRÉ À VALLS
François Hollande, qui a lancé Emmanuel Macron en le choisissant comme conseiller à l'Elysée et se retrouve avec un rival inattendu face à lui s'il décide de se représenter, a refusé mardi de commenter une "possible annonce".
Mais si la gauche "n'est pas rassemblée, elle ne pourra pas être au rendez-vous", a-t-il ajouté lors d'un entretien à TV5Monde, France 24 et RFI en marge du sommet sur le climat de Marrakech, lançant un appel au "rassemblement".
Selon les sondages, Emmanuel Macron et, dans une moindre mesure, le Premier ministre Manuel Valls, qui ne cache pas se préparer, feraient de meilleurs présidents que le chef de l'Etat sortant aux yeux de nombreux Français.
Ils devancent les anciens ministres socialistes Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, avec un avantage à Emmanuel Macron préféré par 56% des Français à Manuel Valls dans un récent sondage Odoxa pour France Info, pour affronter la droite et le Front national en cas de renoncement de François Hollande.
En matière d'intentions de vote, aucun des deux n'est cependant donné qualifié au second tour de la présidentielle, pas plus d'ailleurs que les autres candidats de gauche, Jean-Luc Mélenchon, champion de la "France insoumise", compris.
A ce jour, Emmanuel Macron est au mieux crédité d'environ 14% des suffrages au premier tour de la présidentielle.
JUPPE IRONISE
Avant même d'être officialisée, sa candidature n'en a pas moins suscité mardi soir une avalanche de réactions, notamment à droite, à cinq jours de sa primaire présidentielle.
"Voilà avec Emmanuel Macron quelqu’un qui a totalement cautionné la politique économique menée depuis 2012, à commencer par la hausse massive des impôts", a déclaré Alain Juppé dans une interview à paraître mercredi dans Les Echos.
"Il se présente aujourd’hui comme le chevalier blanc totalement nouveau. Il faut se méfier des gens qui font le contraire de ce qu’ils disent et disent le contraire de ce qu’ils font", a-t-il ajouté.
Le député Benoist Apparu (Les Républicains), soutien du maire de Bordeaux, a abondé dans le même sens, ironisant sur la volonté d'Emmanuel Macron de se présenter comme un homme neuf.
"Et la première chose qu'il fait c'est une démarche purement politicienne, de calcul électoral en se disant 'je vais essayer de fausser (...) le résultat de la primaire de la droite et du centre'", a-t-il dit sur BFM TV.
Le député PS Yann Galut a pour sa part estimé qu'Emmanuel Macron avait accéléré son calendrier "parce que l'impression générale c'est que sa candidature ne prend pas sur le terrain."
"Il se met hors parti. C'est peut-être une carte à jouer pour lui mais je crois que ça va faire long feu", a-t-il ajouté.
Quant à la présidente du Front national, Marine Le Pen, que les sondages donnent systématiquement qualifiée pour le second tour de la présidentielle, elle a affiché une relative sérénité.
"Nous ne voyons pas d'inconvénient à ce qu'il soit candidat", a-t-elle dit à la presse. "L'élection présidentielle, c'est la rencontre entre une personnalité et le peuple. Reste à savoir maintenant si M. Macron va réussir à trouver le peuple."
(Avec Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)