PARIS (Reuters) - Le ministre français des Finances a contesté mardi le pouvoir de la Commission européenne de rejeter le budget de la France, dont le projet de loi de finances 2015 est sous haute surveillance des instances de Bruxelles.
Interrogé par RTL, Michel Sapin a déclaré qu'il n'était pas question pour la France de faire plus d'économies en 2015 que les 21 milliards d'euros déjà prévus, ni d'augmenter les impôts pour réduire les déficits publics.
Il réagissait à des informations de sources européennes selon lesquelles la Commission s'apprêterait à rejeter d'ici la fin du mois le projet de budget présenté la semaine dernière au conseil des ministres français.
Selon le quotidien le Figaro, elle pourrait demander à la France un effort budgétaire supplémentaire de huit milliards d'euros, sous forme d'économies ou d'impôts, afin de réduire le déficit structurel français de 0,5 point au lieu de 0,2 point annoncé par le ministère des Finances pour 2015.
Ces informations sont "erronées", a répliqué Michel Sapin, selon qui "ça n'est pas dans les pouvoirs de la Commission" de censurer le budget d'un Etat membre de l'Union européenne.
"Elle ne peut pas censurer, elle ne peut pas rejeter ni le budget français, ni aucun budget", a-t-il insisté. "Heureusement que dans nos démocraties, le seul endroit où on adopte, où on rejette, où on censure, ce sont les Parlements de chacun des pays concernés."
Il a admis qu'il y aurait "des discussions entre les uns et les autres" entre la mi-octobre et la mi-novembre au sein de la zone euro. Mais prié de dire s'il n'y aurait effectivement en France ni économies ni impôts supplémentaires en 2015, il a répondu : "Evidemment."
"Vous imaginez qu'on rajoute encore des économies à ces 21 milliards d'économies qui sont déjà difficiles, qui font déjà réagir ?" a-t-il ajouté. "Et au moment où nous amorçons la baisse des impôts, vous croyez qu'on va aller dire maintenant, finalement on va les augmenter ? Non, ce serait incohérent."
NOUVELLE TRAJECTOIRE
Dans une interview au Figaro, le secrétaire d'Etat au Budget explique pour sa part que la situation économique française, avec une croissance en panne, ne "permet pas de réduire davantage les dépenses l'an prochain ni d'augmenter les impôts".
"Nous l'expliquerons à nos partenaires européennes, même si la situation actuelle, marquée par la fin de mandat de la Commission Barroso, ne facilite pas vraiment les choses", ajoute Christian Eckert.
Michel Sapin a réitéré sur RTL la position de Paris : la question fondamentale, a-t-il dit, est de savoir comment sortir l'Europe, pas seulement la France, de sa situation actuelle de croissance et d'inflation faibles.
Le projet de budget 2015 de la France renvoie au second plan le redressement des comptes publics pour conforter l'objectif prioritaire du gouvernement : préserver la croissance et enrayer la hausse du chômage, coûteuse politiquement.
La réduction des déficits publics à 3% du PIB est ainsi renvoyée à 2017 au lieu de 2015.
En dépit des 21 milliards d'économies programmés sur les dépenses de l'Etat, des administrations sociales et des collectivités locales, ces déficits devraient encore atteindre l'an prochain 4,3% du PIB, après 4,4% cette année, selon les prévisions du gouvernement.
Le Haut conseil des finances publiques estime cependant que le respect de la nouvelle trajectoire n'est pas acquis parce que le scénario macroéconomique retenu repose sur des hypothèses trop favorables.
(Emmanuel Jarry, édité par Marc Joanny)