par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - La chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris a demandé vendredi un supplément d'information dans le dossier de l'attentat de 1980 contre la synagogue de la rue Copernic afin de pouvoir statuer sur le non-lieu prononcé le 12 janvier 2018 par les juges chargés de l'instruction.
Ces juges avaient alors ordonné la libération immédiate du seul suspect, Hassan Diab, un Libano-Canadien de 64 ans, ancien professeur de sociologie d'Ottawa, mis en examen en novembre 2014 dans la foulée de son extradition par le Canada, 34 ans après les faits. Ils avaient estimé qu'il n'y avait pas de charges suffisantes et il avait pu repartir au Canada.
Le parquet de Paris, qui avait demandé son renvoi devant une cour d'assises, avait fait appel de cette ordonnance de non-lieu, de même que les parties civiles, déçues vendredi matin de voir la perspective d'un procès encore repoussée.
Le parquet soupçonne Hassan Diab d'avoir confectionné et posé la bombe qui a fait quatre morts le 3 octobre 1980, acte pour lequel la piste palestinienne avait été très vite évoquée.
Hassan Diab nie toute implication. Il jure notamment qu'il était alors à Beyrouth et se dit victime d'une homonymie, son nom de famille étant très répandu au Liban.
La chambre de l'instruction a demandé une nouvelle expertise graphologique avant de décider d'infirmer ou de confirmer le non-lieu. Le juge d'instruction désigné pour conduire ce supplément d'information devra rendre son rapport d'ici le 15 février 2019, ont précisé des avocats.
Selon les parties civiles et l'avocat de Hassan Diab, la cour d'appel a invoqué, pour justifier cette nouvelle analyse, les contradictions existantes entre les expertises et contre-expertises graphologiques produites dans le dossier jusqu'ici.
CONTRADICTIONS
"La cour a un doute sur un point qui a fait l'objet de très nombreux travaux d'expertise graphologique", a ainsi déclaré à la presse l'avocat de Hassan Diab, Me William Bourdon. "La cour d'appel a voulu refermer toutes les portes."
"C'est un nouveau rebondissement mais qui nous laisse confiants sur l'issue finale", a ajouté Me Bourdon, selon qui les expertises graphologiques jusqu'ici réalisées "ne sauraient en aucune façon constituer un élément à charge" contre son client, tant elles sont contradictoires.
Les parties civiles, qui souhaitaient voir la chambre de l'instruction infirmer dès vendredi le non-lieu et renvoyer Hassan Diab devant une cour d'assises, ne cachaient pas, pour leur part, leur déception.
"Quelques jours seulement après avoir commémoré les 38 ans de cet attentat, ce n’est pas terminé. Il y a une impression de justice sans fin", a déclaré l'un de leurs avocats, Eric Morain.
Il a dit espérer que le supplément d'information demandé par la chambre de l'instruction n'était pas destiné à préparer les parties civiles à une décision "totalement négative".
"On a l’impression qu’elle veut absolument avoir des preuves. Les preuves se débattent devant une cour d’assises, pas au stade de l’instruction, où on débat d’abord des charges", a ajouté Me Eric Morain. "Quand on a attendu 38 ans, on peut attendre 38 ans et demi mais c’est toujours les parties civiles qui attendent le plus."
Si la cour d'appel finit par renvoyer Hassan Diab devant une cour d'assises, il devra de nouveau être extradé par le Canada, ce qui paraît incertain, "surtout avec le gouvernement canadien actuel", estime un avocat des parties civiles.
(Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)