PARIS (Reuters) - Bruno Le Maire a fourni vendredi de nouveaux éléments aux députés réclamant des précisions sur l'impact pour les Français les plus aisés des mesures fiscales prévues dans le budget 2018, répondant aux critiques de la gauche en haussant le ton sur la politique fiscale menée par la précédente majorité.
"Les 100 premiers contributeurs à l'ISF paient 126 millions d'euros, les 100 premiers patrimoines paient 73 millions d'euros d'ISF", a déclaré le ministre de l'Economie et des Finances pendant le débat sur le projet de loi de finances (PLF) 2018 à l'Assemblée nationale.
Pour Bruno Le Maire, ces chiffres - réclamés par de nombreux parlementaires, majoritairement de gauche, via une tribune publiée mercredi dans Libération - confortent les choix du gouvernement.
La différence entre les 126 millions d'euros d'ISF dont s'acquittent les 100 premiers contributeurs et les 73 millions payés par les plus gros patrimoines prouve "que l'ISF est non seulement inefficace mais qu'il est injuste, parce que les plus gros patrimoines français ne paient pas l'ISF et arrivent par optimisation fiscale à y échapper", a-t-il expliqué.
Bruno Le Maire, qui a déjà annoncé mercredi dans l'hémicycle que les 1.000 premiers contributeurs à l'ISF payaient 406 millions d'euros, a déclaré qu'il n'était pas en mesure de préciser le montant que ces contributeurs continueraient à régler au titre du nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI).
"Sur ce point-là, je ne peux pas vous donner plus de précisions pour des raisons qui sont simples: la valeur du prochain IFI est calculée sur la valeur nette des biens, et il est impossible de savoir quel est le niveau d'endettement de chaque contribuable", a-t-il déclaré.
L'opposition a jugé que ces précisions ne répondaient que partiellement à sa demande d'explications, faute d'éléments concernant l'impact du prélèvement forfaitaire unique (PFU) - également appelé "flat tax" - sur les revenus du capital.
CONTRE-ATTAQUE
La mise en place de cette autre mesure phare du projet de budget pour 2018 également contestée par l'opposition a été adoptée dans la nuit de jeudi à vendredi.
"On demandait deux choses : on demandait l'ISF et le coût de la 'flat tax'" pour les ménages les plus riches", a déclaré sur BFMTV la députée Nouvelle gauche (ex-PS) Valérie Rabault, signataire de l'appel publié dans Libération, rapporteure du budget lors de la précédente législature.
"Moi je veux avoir le bilan global", a-t-elle poursuvi.
Selon les chiffres communiqués par Bruno Le Maire, avec la suppression de l'ISF, "ça fait à peu près 1,3 million d'euros en moyenne de chèque qui va être restitué (par contributeur à l'ISF) et là-dessus va se greffer la 'flat tax', pour laquelle on n'a toujours pas de données" et qui "représente une grande économie d'impôt", a dit Valérie Rabault.
Réaffirmant sa volonté de "transparence", Bruno Le Maire, qui avait déjà invoqué le secret fiscal mercredi, a mis en avant une attitude "responsable" qui s'inscrit dans le cadre légal, en attaquant l'héritage fiscal du précédent quinquennat.
"Sans doute que la précédente majorité aurait peut-être fait mieux d'être elle aussi responsable et de faire attention à ce qui était légal et à ce qui ne l'était pas, ça lui aurait peut-être évité de mettre en place une taxe sur les dividendes à 3% que nous devons désormais rembourser parce qu'elle a été annulée par le Conseil constitutionnel", a lancé le ministre.
La taxe à 3% sur les dividendes mise en place fin 2012 a été invalidée au début du mois par le Conseil constitutionnel et le coût des contentieux engagés par les grands groupes concernés devrait s'élever à près de dix milliards d'euros.
Le remplacement de l'ISF par l'IFI, une des mesures phares du PLF pour 2018, a cristallisé les critiques de l'opposition de gauche - qui dénonce un "budget pour les riches" - et suscité des réserves au sein même de la majorité présidentielle.
Face aux critiques croissantes, le gouvernement a accéléré le tempo et a avancé la discussion par les députés des articles concernant la suppression de l'ISF et la mise en place d'un autre dispositif contesté, le prélèvement forfaitaire unique (PFU), qui auraient normalement dû être examinés plus tard dans la discussion.
(Myriam Rivet, édité par Sophie Louet)