PARIS (Reuters) - La France a appelé ses ressortissants à "une prudence accrue" au Tchad en raison des opérations militaires franco-tchadiennes dans le nord-est du pays contre une colonne de rebelles puissamment armés dont le sort restait incertain jeudi.
Le président tchadien Idriss Deby a assuré jeudi que la cinquantaine de pick-ups qui s'est infiltrée dans la nuit du 31 janvier au 1er février en territoire tchadien depuis le Sud libyen était "complètement détruite". "Aucune perte en vies humaines et en matériel enregistré du côté gouvernemental", a-t-il précisé, selon le compte rendu du conseil des ministres.
L'Union des forces de la résistance (UFR), une alliance de groupes rebelles constituée en 2009 au Darfour (Soudan) qui revendique l'incursion, a déclaré à Reuters être la cible de nouveaux bombardements depuis jeudi matin.
Un représentant de l'UFR a fait état de morts, dont il n'a pas précisé le nombre, de "nombreux blessés graves" et de "plusieurs dizaines de véhicules détruits". "On ne va pas retourner en Libye, on va faire la guerre à l'intérieur du Tchad", a-t-il dit.
L'état-major français a déclaré à Reuters que les forces aériennes françaises n'avaient pas mené d'action jeudi au Tchad et que la situation était toujours en cours d'évaluation.
"A l'heure actuelle, il reste à préciser quelles sont leurs intentions et quel est leur état exact", a dit le colonel Patrik Steiger, porte-parole de l'état-major, lors d'un point de presse.
L'ambassade de France à N'Djamena a émis mercredi un message d'alerte à l'adresse des quelque 1.500 ressortissants français présents sur le territoire tchadien "compte tenu des opérations". "Dans le but de se prémunir contre tout acte de malveillance à leur encontre, les ressortissants français sont appelés à une prudence accrue", peut-on lire.
DEBY, "PARTENAIRE FIABLE ET SOLIDE"
Des chasseurs Mirage 2000 de l'opération française Barkhane sont intervenus, à la demande des autorités de N'Djamena, à partir de dimanche contre la colonne qui avait alors parcouru quelque 450 km en dépit de survols d'avertissement et de frappes des forces aériennes tchadiennes les 1er et 2 février.
Trois jours de frappes - dimanche, mardi et mercredi - face à la progression de la colonne armée de "mitrailleuses, roquettes, canons" dans "le secteur sud/sud-est du massif de l'Ennedi". Au total, l'armée française a engagé sept Mirage 2000, trois ravitailleurs et un Drone Reaper des bases de N'Djamena et Niamey.
"Ce n'est pas une opération, c'est une intervention limitée dans l'espace et dans le temps", a souligné le colonel Steiger.
Les autorités françaises, qui ont marqué leur volonté de tourner la page de la "Françafrique" dès l'élection d'Emmanuel Macron en mai 2017, ont expliqué agir dans le cadre d'"une demande d'assistance formelle d'un Etat souverain".
"La décision d’ouverture du feu a respecté les règles du droit international humanitaire. Cette action ne s’inscrit pas dans le cadre de l’opération Barkhane", souligne-t-on au ministère des Armées.
Cette action d'envergure inédite intervient alors qu'Idriss Deby, au pouvoir depuis 28 ans, est confronté à l'activisme renouvelé de plusieurs mouvements politico-militaires qui appellent à son renversement.
Pour Paris, lié depuis 1976 par un accord de coopération militaire avec N'Djamena, le Tchad, ancienne colonie, et ses militaires aguerris sont un pilier de la lutte anti-terroriste au Sahel.
Dénoncé par l'opposition tchadienne pour une gouvernance "autocratique" et accusé par Amnesty international d'atteintes aux libertés, Idriss Deby reste "le partenaire fiable et solide de la région", dit-on de source militaire française.
"Ça n'a rien à voir avec le sentiment qu'on peut porter sur le niveau démocratique du Tchad. Ce n'est pas un suivisme fort envers le président tchadien, c'est ne pas prendre le risque d'une déstabilisation d'un allié qui est fidèle, essentiel dans la lutte contre le terrorisme", a dit à Reuters le député (LaRem) Jean-Jacques Bridey, président de la commission de la Défense et des Forces armées de l'Assemblée.
Le Tchad est engagé dans la force conjointe du G5 Sahel, dans les rangs de la Minusma au Mali et dans ceux de la Minusca en République centrafricaine.
(Sophie Louet et John Irish, édité par Yves Clarisse)