PARIS/ROME (Reuters) - La ministre française des Affaires européennes Nathalie Loiseau a estimé mercredi que les propos tenus depuis quatre jours par certains dirigeants italiens étaient "insignifiants" et "inamicaux", excluant toute mesure de rétorsion dans l'immédiat de la part de Paris dans les dossiers économiques.
"Ces propos posent des questions : est-ce que ça rend service au peuple italien, est-ce que ça contribue au bien-être du peuple italien ? Je ne le pense pas", a-t-elle dit lors du compte rendu du conseil des ministres à l'Elysée. "Ce sont des propos inutiles (...) ils sont évidemment inamicaux".
"En France, on a une expression qui est de dire 'ce qui est excessif est insignifiant', donc quand des propos sont excessifs à la fois par leur ton et par leur nombre, ils deviennent insignifiants", a-t-elle ajouté.
Interrogée sur de possibles mesures de rétorsion que la France pourrait prendre si la situation perdurait, notamment sur les dossiers Fincantieri-STX et Alitalia, elle a répondu : "Notre intention n'est pas de jouer au concours de celui qui est le plus bête".
"Nous avons d'autres choses à faire, avec un voisin important qui est l'Italie, nous voulons continuer à pouvoir travailler", a-t-elle dit.
"Est-ce que pour autant le climat permet toutes les visites ministérielles comme si de rien n'était? Je me rendrai en Italie quand le climat sera apaisé", a-t-elle ajouté.
Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a de son côté indiqué que le sujet n'avait pas été abordé par Emmanuel Macron lors du conseil des ministres "parce que nous n'évoquons (dans ce cadre-NDLR) que les sujets importants pour le pays".
Quelques minutes plus tôt, la porte-parole du Quai d'Orsay avait jugé que les déclarations italiennes étaient "sans fondement" et "inacceptables" et qu'elles étaient "à lire dans le contexte de la politique intérieure italienne".
CRISPATIONS
Les deux vice-présidents du Conseil italien, Matteo Salvini et Luigi di Maio, ont multiplié depuis samedi les critiques contre la France et Emmanuel Macron, accusant notamment Paris d'"appauvrir" l'Afrique et de se servir du franc CFA pour poursuivre leur oeuvre colonisatrice en Afrique.
Ces déclarations du chef de file de La Ligue (extrême droite) et du dirigeant du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème) ont été jugées "inacceptables" par le Quai d'Orsay qui a convoqué lundi l'ambassadrice d'Italie à Paris, Teresa Castaldo.
Le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte a tenté de calmer le jeu mardi en assurant que cela ne remettait "pas en question" l'amitié "historique avec la France, pas plus qu'avec le peuple français", évoquant une relation "forte et constante".
Mais les critiques se sont poursuivies mercredi matin - Matteo Salvini déclarant qu'il espérait que les électeurs français ne voteraient pas pour La République en marche (LaRem), le parti d'Emmanuel Macron, lors des élections européennes du 26 mai.
"Macron ne sera peut-être plus notre interlocuteur (à l'avenir)", a-t-il dit au micro de la RAI, ajoutant que la popularité du président français était "inférieure à 20%". "J'espère que les Français pourront bientôt faire d'autres choix", a poursuivi le ministre.
Matteo Salvini a par ailleurs dit ne pas redouter que ces accrochages à répétition avec la France aient des effets sur le sauvetage de la compagnie aérienne Alitalia. D'après la presse italienne, Air France-KLM (PA:AIRF) serait en discussions avec Rome pour prendre une part du capital de la compagnie italienne.
"Il y a d'autres (acteurs) en mesure de prendre une part du capital d'Alitalia", a-t-il dit.
(Marine Pennetier, Jean-Baptiste Vey et Henri-Pierre André à Paris, Giselda Vagnoni à Rome, édité par Yves Clarisse)