PARIS (Reuters) - Edouard Philippe a déclaré mardi qu'il "entendait" les arguments avancés, y compris dans les rangs de la majorité, contre la tenue d'un éventuel référendum post-crise des "Gilets jaunes" le jour des élections européennes le 26 mai prochain.
"J'entends la remarque formulée d'une forme de désaccord sur l'idée d'organiser un référendum le jour du scrutin prévu pour les européennes, je l'entends, j'en prends acte", a dit le Premier ministre lors des questions au Sénat.
"Un certain nombre d'arguments dans ce sens sont parfaitement légitimes, on pourrait dire aussi qu'il y aurait quelque chose peut-être de lourd pour les collectivités territoriales à multiplier les consultations, l'argument est parfaitement entendable", a-t-il poursuivi.
"Aujourd'hui, rien n'est décidé", a-t-il assuré. "Le scrutin du 26 mai sera un scrutin d'une importance considérable pour la construction européenne et pour notre pays, il faut que le débat ait lieu (...) et tout ce qui aurait pour effet de remettre en cause la clarté du débat serait probablement à écarter."
Référendum ou pas, depuis très longtemps les élections européennes sont le moment "où on parle assez peu des élections européennes", a poursuivi le Premier ministre, "et beaucoup de questions de politique nationale, nous l'avons tous vécu et nous n'avons pas envie que cela recommence".
Deux mois après l'éclosion des "Gilets jaunes", un mouvement hétéroclite qui réclame plus de justice sociale et de démocratie participative, l'exécutif réfléchit à une sortie de crise qui lui permettrait de reprendre définitivement la main.
Après avoir annoncé des mesures en faveur du pouvoir d'achat chiffrées à 10 milliards d'euros début décembre, le chef de l'Etat a lancé le 15 janvier d'un "grand débat national" autour de quatre thèmes (fiscalité, transition écologique, organisation de l'Etat et démocratie et citoyenneté).
"TRAHIR SON MANDAT"
A l'issue de cette concertation, il pourrait opter pour l'organisation d'un référendum à multiples questions qui pourrait se tenir, selon le Journal du Dimanche, le jour des élections européennes, le 26 mai prochain.
Cette idée suscite des réserves au sein de la majorité, notamment de la part du ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et du délégué général de La République en marche (Larem) Stanislas Guerini, qui redoutent de voir l'Europe passer au second plan, et également au sein de l'opposition.
Après le chef de file des députés Les Républicains (LR) Christian Jacob lundi, c'est le président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde qui s'est opposé à cette idée mardi, à l'issue d'un entretien avec Emmanuel Macron qui consulte les principaux partis politiques cette semaine.
"On ne peut pas être président de la République en se faisant élire sur un projet européen et sacrifier le débat européen, ce serait trahir son mandat", a déclaré l'élu centriste à des journalistes à l'Elysée.
Un avis partagé par la présidente du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Valérie Rabault, également reçue à l'Elysée ce mardi.
"Il faut quand même que l'Europe puisse exister, s'il y a un référendum le jour des européennes, je crains que l'Europe passe à la trappe", a-t-elle dit. Emmanuel Macron "s'est fait élire sur une image très européenne, ce serait quand même assez étonnant de sa part".
(Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)