Après deux échecs, Athènes et la zone euro, emmenée par l'Allemagne, se préparaient vendredi à un nouveau face-à-face pour tenter d'arracher un compromis sur le prolongement du financement pour la Grèce, sous peine de rouvrir une nouvelle période d'incertitude pour l'Europe.
Faute d'accord, la Grèce risque de se retrouver rapidement à court d'argent, et poussée vers la sortie.
La troisième réunion des ministres des Finances de la zone euro en moins de dix jours, qui débute à 15H00 (14H00 GMT), doit trouver un accord sur le prolongement du programme d'aide grec, qui expire le 28 février. Le temps presse, car plusieurs parlements nationaux devront ensuite donner leur aval.
En cas de nouvel échec, les deux camps évoquent déjà un sommet européen. "Si nous n'arrivons pas à un accord, je pense que la question pourra être résolue grâce à des interventions politiques au plus haut niveau. Je veux parler d'un sommet européen", a déclaré Nikos Pappas, ministre d'Etat et proche du Premier ministre Alexis Tsipras.
"Un accord est possible dans les huit jours, si nécessaire par une rencontre supplémentaire au niveau des chefs de gouvernement", a dit de son côté le commissaire européen allemand, Günther Oettinger. "On est de bonne volonté, mais on n'est pas stupide. On ne se laisse pas tondre", a-t-il ajouté avec son franc-parler habituel.
- 'Culottés' -
La Grèce veut tourner résolument la page de l'austérité. Mais l'Allemagne, représentée par son inflexible ministre des Finances, le conservateur Wolfgang Schäuble, exige qu'Athènes poursuive l'assainissement de ses finances publiques et les réformes structurelles auxquelles elle a consenti en échange de 240 milliards d'euros de prêts.
Après avoir sèchement rejeté la demande d'extension formulée jeudi par la Grèce, le gouvernement allemand a tempéré sa position. Elle n'est "pas encore suffisante" mais doit être "le point de départ pour d'autres discussions", a déclaré vendredi une porte-parole d'Angela Merkel.
La ligne allemande est partagée par d'autres, Finlande et pays baltes, mais aussi Espagne, Portugal ou encore Slovaquie. La ministre des Finances portugaise, Maria Luis Albuquerque, a martelé vendredi qu'il y avait "un cadre", "le programme actuel, qui doit être prolongé". Le Premier ministre slovaque, Robert Fico, a jugé "impossible d'expliquer aux gens qu'il faut donner de l'argent pour les salaires et les retraites des Grecs".
M. Schäuble a derrière lui le gros de l'opinion allemande. Son intransigeance était saluée vendredi par le tabloïd Bild avec un "l'Allemagne dit merci Wolfgang Schäuble!". Selon un sondage, 52% des Allemands trouvent M. Varoufakis et le Premier ministre grec Alexis Tsipras "culottés".
- Pas de 'virage à 180 degrés' -
Le gouvernement grec de gauche radicale a fait jeudi un pas important en demandant une "extension" de l'accord d'assistance financière que la zone euro sommait d'accepter avant la fin de la semaine. Il s'est dit prêt à accepter la "supervision" de l'UE, la BCE et le FMI, et s'est engagé à s'abstenir de "toute action unilatérale" qui saperait ses objectifs budgétaires. Il a d'ailleurs reporté le vote au parlement, initialement prévu vendredi, de sa première loi sociale.
Il réclame en échange une certaine "flexibilité" permettant de revenir sur les mesures d'austérité les plus douloureuses. Mais certains craignent que la Grèce en use pour ne pas tenir ses engagements. De son côté, le gouvernement se défend d'avoir fait "un virage à 180 degrés". "Nous n'avons pas reculé sur nos lignes rouge", a assuré son porte-parole, Gabriel Sakellaridis.
Athènes a de nouveau fait fuiter un document, cette fois sur la position défendue par Berlin lors d'une réunion préparatoire jeudi, où l'Allemagne comparait la demande d'extension à un "cheval de Troie" qui viserait à obtenir un "financement-relais" de plusieurs mois et "à mettre fin au programme actuel".
Pour convaincre Berlin, M. Tsipras s'est entretenu jeudi soir avec la chancelière Angela Merkel, qui retrouvait le président français François Hollande vendredi à Paris pour un déjeuner au menu duquel figurera la question grecque.
L'inquiétude va au-delà des frontières européennes. Un haut responsable du Trésor américain a mis en garde contre un possible "regain d'incertitude" pour l'Europe et l'économie mondiale en cas d'échec, en plaidant pour un "vigoureux" effort "de compromis" des deux côtés.