PARIS (Reuters) - Le patronat français propose d'équilibrer les régimes de retraite complémentaires du secteur privé à l'horizon 2020 en recourant à une panoplie de mesures qui permettraient, selon lui, d'économiser 7,1 milliards d'euros d'ici cette échéance.
Dans un document transmis aux syndicats le 20 février et obtenu par Reuters, Medef, CGPME et Union professionnelle artisanale puisent dans une "boîte à outils" dont les caisses Arrco et Agirc ont chiffré divers scénarios.
Le patronat propose ainsi de geler en 2016, 2017 et 2018 les pensions versées par ces régimes à 12 millions de retraités et un abattement dégressif sur leur montant entre 62 ans, âge légal de cessation d'activité, et 67 ans.
Il joue sur la pension reversée au conjoint survivant en cas de décès du retraité, les droits des chômeurs et le salaire de référence servant à calculer le nombre de points de retraite achetés par les cotisations.
Il prône une fusion de l'Arrco et de l'Agirc à partir du 1er janvier 2019 mais n'envisage pas une hausse des cotisations, souhaitée au contraire par des syndicats comme la CGT.
"Il n'y a rien de nouveau, le Medef a formalisé ce qu'il nous a présenté le 17 février", à l'ouverture des négociations sur le redressement financier des régimes complémentaires, a dit à Reuters le négociateur de la CGT Eric Aubin.
Les organisations patronales admettent dans une lettre adressée aux cinq syndicats qui gèrent avec elles l'Agirc-Arrco, que ce texte rédigé avant la séance du 17 février ne tient pas compte "à ce stade des positions exprimées" alors par leurs délégations.
RÉVERSION À OPTION
Les prochaines négociations, le 20 mars, "conduiront très certainement à faire évoluer (ce) document de travail", prend soin d'ajouter le patronat.
Cet "avant-projet d'accord" fixe pour objectif "le retour à l'équilibre technique (...) à horizon 2020" de ces régimes menacés par une accumulation de déficits.
La plupart des mesures proposées auraient pour effet de réduire les pensions versées et d'inciter les salariés du privé à retarder leur départ à la retraite pour atténuer cette décote.
Selon les calculs patronaux, le gel des pensions pendant trois ans se traduirait par quatre milliards d'économies en 2020, 4,9 milliards en 2030 et 5,7 milliards en 2040.
Selon un calcul de la CFTC, cela se solderait par exemple par une perte de 116 euros par mois pour un retraité de 62 ans ayant droit avant décote à une pension mensuelle totale (de base et complémentaire) de 1.700 euros par mois.
Le patronat propose en outre, à partir du 1er janvier 2017, un abattement de 20%, 30% ou 40% sur les pensions à 62 ans, puis dégressif jusqu'à s'annuler à 67 ans. Gain attendu: 2,1 à 4,3 milliards d'euros en 2020, 3,2 à 6,4 en 2030, 2,4 à 4,7 en 2040.
Il serait aussi demandé à partir du 1er janvier 2016 aux nouveaux retraités d'accepter soit une décote de 2% à 5,5% de leur pension en échange du maintien à 60%, comme aujourd'hui, du taux de réversion en faveur de leur conjoint en cas de décès, soit une réduction des droits de ce dernier.
CHÔMEURS PÉNALISÉS
Dans ce cas, le taux de réversion pourrait être réduit à 50%, 40%, voire 33%, selon le scénario. Economies attendues par le patronat: 100 à 300 millions d'euros en 2020, 400 millions à 1,2 milliard en 2030 et un à 2,7 milliards en 2040.
En complément, il propose d'augmenter en 2016, 2017 et 2018 le salaire de référence de 3,5 points de plus que l'évolution annuelle moyenne des salaires. Cela se traduirait par un moindre nombre de points retraites distribués ou un prix d'achat du point supérieur. Economies attendues: 200 millions d'euros en 2020, 1,9 milliard en 2030 et 4,6 milliards en 2040.
Quant aux chômeurs, ils se verraient attribuer à partir du 1er janvier 2016 des points retraite correspondant "exactement" aux cotisations versées par l'Etat et l'assurance chômage, Arrco et Agirc ne prenant plus en charge la différence.
Economie attendue pour les régimes complémentaires: de 500 millions d'euros en 2030 à 1,45 milliard en 2040.
Enfin, le patronat évalue entre 200 millions d'euros en 2020 et 1,6 milliard en 2040 les économies réalisables si un régime unifié est mis en place à compter du 1er janvier 2019.
Tous ces calculs sont effectués en se fondant sur des hypothèses relativement favorables: taux de chômage ramené à 7% en 2030, gain annuel de pouvoir d'achat des salaires de 1,5% à partir de 2035, inflation de 1,4% en 2016, puis de 1,75% en 2017 et 2018.
(Emmanuel Jarry)