Les chiffres des demandeurs d'emploi d'avril, portant sur le dernier mois du quinquennat de Nicolas Sarkozy, montrent une hausse modérée du chômage mais la croissance quasi nulle incite les experts à la prudence.
Les chiffres "ne sont pas bons", a commenté depuis Marseille le Premier ministre Jean-Marc Ayrault en soulignant que son gouvernement "hérit(ait) d'une situation".
Au lendemain des consultations avec les partenaires sociaux en vue d'un sommet économique et social en juillet, il a érigé en priorité la lutte pour "faire reculer le chômage".
Le nombre de demandeurs d'emploi sans activité en France métropolitaine a progressé de 0,1% en avril pour le douzième mois consécutif pour atteindre 2,888 millions de personnes, soit 4.300 de plus qu'en mars, a annoncé mercredi le ministère du Travail.
Avec les personnes en activité réduite, 4,318 millions de personnes (4,592 DOM compris) étaient à la recherche un travail (+9.200), soit une hausse de 0,2%.
Parmi les "évolutions préoccupantes", le ministère du Travail note celle du nombre de chômeurs de longue durée (+1,1% sur un mois) et celle des seniors (+1% sur un mois, +15,6% sur un an), le double de la moyenne nationale.
Ces statistiques, les premières depuis l'élection de François Hollande, montrent une progression globale trois fois inférieure à la moyenne mensuelle du 1er trimestre 2012 (+12.000 par mois). Sur un an, la hausse s'est établie à +7,5%.
"Cette hausse intervient dans un contexte de recours intensif, au cours de ces derniers mois de campagne électorale, aux contrats aidés, ainsi qu'à une évidente +rétention+ d'un certain nombre de plans sociaux", a réagi le ministère du Travail dans un communiqué.
Pour Eric Heyer, économiste à l'OFCE, elle s'explique également par un "traitement social du chômage, amplifié avant la présidentielle par le recours aux emplois aidés", qui ont eu, selon lui, en avril une "répercussion rapide et immédiate" sur le nombre de demandeurs d'emploi, notamment les jeunes (-0,4% sur un mois).
Fin 2011, le précédent ministre du Travail, Xavier Bertrand, avait demandé à ses services de mettre les bouchées doubles en leur fixant l'objectif de réaliser les deux-tiers des 340.000 contrats budgétés pour 2012 sur la première moitié de l'année.
Au premier trimestre 2012, il y a eu 10.000 emplois aidés signés dans le secteur non-marchand de plus qu'au premier trimestre 2011, selon des données provisoires disponibles sur le site de la Dares.
Les personnes en contrats aidés sont comptabilisées en catégorie E, avec les créateurs d'entreprises. Leur nombre a globalement baissé de 2.500 en avril, sans que l'on ait le détail pour la part des emplois aidés.
D'autres experts se montrent plus prudents. Pour Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d'orientation pour l'emploi, les évolutions contrastées en avril (+22.900) et en mars (-25.000) des sorties des listes pour "cessation d'inscriptions pour défaut d'actualisation" rendent "difficile" l'interprétation des chiffres "avec rigueur".
De son côté, Philippe Waechter, économiste chez Natixis, analyse "un repli des entrées" à Pôle emploi conjugué à "une accélération des sorties". Mais le nombre peu élevé de personnes sorties des listes après avoir retrouvé un travail reste à "un niveau bas" confirmant une "dynamique de création d'emploi très réduite".
Les inscriptions à Pôle emploi après un licenciement économique ont bondi de 13,8%, soit +1.600 personnes en un mois, alors que ce motif était en recul auparavant.
L'Insee qui prévoit une poursuite du chômage en 2012 à 9,7% au 1er semestre (10,1% DOM compris) publiera le 7 juin les données pour le 1er trimestre au sens du BIT permettant les comparaisons internationales.
"Le retournement sera long à se dessiner. Les perspectives de croissance sont actuellement trop dégradées", estime M. Waechter.