par Brian Winter et Paulo Prada
SAO PAULO/RIO DE JANEIRO (Reuters) - Une campagne plus âpre que prévu s'est engagée lundi pour le second tour de la présidentielle brésilienne, les candidats encore en lice, Dilma Rousseff et Aecio Neves, s'efforçant de séduire les électeurs qui ont voté pour Marina Silva.
Le centriste Neves, longtemps donné troisième par les sondages pour le premier tour, a fait une remontée fulgurante et réussi à devancer dimanche Marina Silva, qui avait fait pourtant une éclatante entrée en campagne.
Avec 33,6% des suffrages dimanche, Aecio Neves, candidat du Parti social-démocrate du Brésil (PSDB), a obtenu exactement huit points de moins que la présidente sortante Dilma Rousseff(41,6%), tandis que Marina Silva, militante écologiste qui était la candidate du PSB (Parti socialiste du Brésil, gauche), a dû se contenter de 21%.
Certains hauts responsables du PDSB devaient rencontrer ce lundi les chefs de la campagne de Marina Silva pour tenter d'obtenir qu'elle appelle à voter Neves au second tour, fixé au 26 octobre, a dit à Reuters une source au sein du parti centriste.
Le PSDB et le PSB ont des orientations libérales très proches; le directeur de campagne de Marina Silva, Walter Feldman, est un ancien dirigeant du parti social-démocrate qui conserve des liens étroits avec cette formation.
Eduardo Giannetti, autre proche collaborateur de Marina Silva qui exerce sur elle une forte influence, a déclaré dès dimanche soir qu'il soutiendrait Aecio Neves.
"Je ne crois pas qu'il serait bon pour le Brésil d'avoir encore quatre années de Rousseff", a-t-il dit, cité par le site internet du magazine Veja. "Désormais, nous devons rétablir la confiance. C'est Neves qui est le mieux placé pour le faire."
Lorsqu'elle était arrivée en troisième position au premier tour de la présidentielle de 2010, Marina Silva n'avait pas donné de consigne de vote, et elle pourrait rester neutre une nouvelle fois. Elle n'a pas caché son irritation face au barrage de publicités négatives financées à la fois par le camp Rousseff et l'équipe Neves, qui ont dû détourner d'elle nombre d'électeurs lors des derniers jours de campagne.
Certains électeurs de Marina Silva sont trop à gauche pour soutenir le PSDB, qui a procédé à des privatisations et réduit les dépenses publiques lorsqu'il a dirigé le Brésil pour la dernière fois, de 1995 à 2002.
BOURSE DE SAO PAULO ATTENDUE EN HAUSSE
Signe d'espoir pour Aecio Neves, cependant, Marina Silva a estimé dimanche soir que les électeurs du PSDB et ceux du PSB avaient les uns comme les autres manifesté leur mécontentement face à près de quatre ans de faible croissance et à la médiocrité du système de santé et des autres services publics. Ainsi a-t-elle estimé que 60% d'électeurs avaient voté pour le changement.
Après une croissance supérieure à 4% par an durant le boom des matières premières de la dernière décennie, l'économie brésilienne n'a plus affiché qu'une croissance moyenne de 2% sous le mandat de Dilma Rousseff.
Ces dernières semaines, la perspective d'un nouveau mandat de Dilma Rousseff a plombé la Bourse de Sao Paulo, qui a perdu 12% au cours des 30 derniers jours. La devise nationale, le real a atteint quant à elle son plus faible niveau depuis près de six ans.
Mais lundi, les marchés brésiliens, peu favorables à la politique de gauche de la présidente sortante, étaient attendus en hausse après le score surprise de leur candidat favori, Aecio Neves.
"On était dans un scénario où Dilma (Rousseff) devait obtenir près de deux fois plus de voix que son plus proche rival", faisait remarquer lundi Mauro Schneider, chef économiste chez CGD Securities à Sao Paulo. "Mais maintenant, les marchés vont se dire qu'Aecio a au moins une chance sur deux de l'emporter".
Pour décrocher la victoire, Aecio Neves, 54 ans, devra convaincre les électeurs qu'il est à même de relancer l'économie sans toucher aux programmes sociaux, et notamment l'allocation mensuelle que les familles à faibles revenus touchent en échange du maintien de la scolarisation de leurs enfants.
Le candidat centriste a promis de maintenir ces programmes, devenus un symbole de la politique menée depuis 12 ans par le Parti des travailleurs, dont Dilma Rousseff porte les couleurs.
Celle-ci demeure légèrement favorite du second tour, grâce au soutien que continuent de lui accorder les milieux défavorisés. Mais au vu du score d'Aecio Neves dimanche, la campagne du second tour ne sera pas de tout repos pour la présidente sortante.
(Avec Brad Haynes; Danielle Rouquié et Eric Faye pour le service français)