BEYROUTH (Reuters) - C'est une société privée qui a orchestré la fuite de Carlos Ghosn et lui a permis d'échapper à la surveillance étroite des autorités japonaises, ont déclaré mercredi à Reuters deux membres de son entourage.
Assigné à résidence depuis le mois d'avril dans un bâtiment situé à Tokyo, l'ancien dirigeant de Renault-Nissan est parvenu à quitter le territoire japonais et à rejoindre le Liban, pays dont il détient la nationalité et qui n'a aucune convention d'extradition avec le Japon.
Selon une des sources de Reuters, Carlos Ghosn a été reçu dès son arrivée au Liban par le président Michel Aoun qui l'a chaleureusement accueilli au palais de Baabda, sa résidence officielle.
Certains médias libanais ont avancé que Carlos Ghosn s'était dissimulé dans une malle théoriquement destinée à transporter des instruments de musique, une version que son épouse a démentie auprès de Reuters tout en refusant de révéler les détails de cette fuite rocambolesque.
Les déclarations des deux sources de Reuters tendent à démontrer que l'ancien dirigeant a minutieusement mûri son projet d'évasion avec l'appui d'une société de sécurité privée qui l'a exfiltré du Japon par un vol privé vers Istanbul d'où il a ensuite gagné le Liban.
"Il s'agit d'une opération très professionnelle, du début à la fin", a déclaré une des sources de Reuters précisant que le même le pilote de l'appareil qui l'a acheminé ignorait sa présence à bord.
Carlos Ghosn livrera peut-être des précisions sur les modalités de son départ lors d'une conférence de presse qui se pourrait se tenir le 8 janvier à Beyrouth et dont l'organisation a été annoncée mercredi par un de ses avocats. Une source du journal L'Orient-Le Jour a toutefois confié que la date n'était pas arrêtée.
Dans un bref communiqué rendu public mardi, Carlos Ghosn a justifié sa fuite par le traitement qui lui était réservé et a dénoncé une justice "partiale".
Les autorités de Beyrouth ont fait savoir qu'il était entré en toute légalité sur le territoire libanais, muni de son passeport français et sa carte d'identité libanaise, une annonce qui pose interroge puisque Carlos Ghosn censé avoir remis ses trois passeports (français, libanais et brésilien) à ses acocats.
Il a été arrêté au Japon en novembre 2018 pour des accusations de malversations financières lorsqu'il était PDG de Nissan (T:7201), accusations qu'il a toujours rejetées. Son procès est prévu en 2020.
Carlos Ghosn a été libéré en mars dernier en échange du versement d'une caution d'un milliard de yens (7,9 millions d'euros environ) avant d'être de nouveau arrêté par la justice japonaise puis placé en résidence surveillée en avril avec interdiction de quitter le pays.
Au Japon, c'est un sentiment de sidération qui domine jusque dans les rangs de l'équipe d'avocats qui le défendait et cette fuite pourrait avoir des répercussions sur le système judiciaire, estiment plusieurs spécialistes.
"Les professionnels du droit et les députés doivent réfléchir au plus vite à de nouvelles mesures pour éviter que de telles fuites se reproduisent, a commenté Yasuyuki Takai, un ancien procureur.
(Samia Nakhoul et Laila Bassam, version française Nicolas Delame)