par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Le premier syndicat de gardiens de prison, l'Ufap-Unsa Justice, a annoncé vendredi, après consultation de sa base, qu'il signait le projet d'accord proposé par le gouvernement pour sortir de 15 jours de conflit avec les surveillants pénitentiaires.
Il estime dans un communiqué publié sur son site internet que le relevé de conclusions soumis jeudi aux organisations représentatives par la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, "traduit une volonté de changer le fonctionnement des prisons".
Ce résultat laisse espérer une sortie de crise malgré l'appel des deux autres syndicats représentatifs à maintenir la pression sur le gouvernement pour obtenir plus de concessions.
Selon le secrétaire général de l'Ufap-Unsa Justice, qui revendique 45% des voix aux élections professionnelles, environ les deux tiers de ses adhérents ont voté pour cette signature.
En conséquence, son syndicat va mettre fin à sa participation au mouvement lancé le 15 janvier après l'agression de gardiens par un détenu condamné pour terrorisme islamiste, a déclaré à Reuters Jean-François Forget.
Nicole Belloubet a aussitôt salué cette décision dans un communiqué, dans lequel elle estime que cela permettra de mettre "rapidement" en œuvre "des mesures concrètes pour améliorer la sécurité des agents en détention, accélérer les recrutements et renforcer les dispositifs indemnitaires."
Ce document prévoit la prise en charge des détenus les plus dangereux dans des "quartiers radicalement étanches", avec à terme 1.500 places, et la fourniture d'équipements de protection comme des gilets pare-balles.
ACCÉLÉRATION DES RECRUTEMENTS
Il prévoit une accélération des recrutements, avec 1.100 postes supplémentaires en quatre ans et 30 millions d'euros de mesures indemnitaires. La prime de sujétion spéciale des gardiens de prison sera ainsi alignée sur celle des policiers.
"La garde des Sceaux souhaite maintenant que l’ensemble des personnels reprennent leur travail pour assurer la sécurité des établissements pénitentiaires", lit-on dans le communiqué.
Les deux autres syndicats représentatifs des gardiens, le SNP Force ouvrière et la CGT pénitentiaire, ont refusé dès jeudi de signer le relevé de conclusions.
"Pour nous, c'est une trahison", a déclaré à Reuters le secrétaire général du SNP FO, Emmanuel Baudin. "Quoi qu'en dise M. Forget, les agents étaient contre ce relevé de conclusions car on est loin du compte, que ce soit en matière de sécurité, matière indemnitaire. Et le volet statutaire n'apparaît pas."
"On va maintenir la pression ce week-end et réfléchir aux modalités d'action qu'on va mettre en place à partir de lundi. On va se concerter aussi avec la CGT", a-t-il ajouté.
L'exécutif avait fait bloc derrière la ministre de la Justice face à un mouvement dont l'impact inquiète le contrôleur général des prisons, Adeline Hazan.
"AU BORD DE L'EXPLOSION"
Pour elle, il est en effet urgent de sortir de ce conflit pour éviter que la situation ne devienne explosive dans les établissements pénitentiaires.
"On est au bord de l'explosion", a-t-elle déclaré sur CNEWS. "On a des appels de médecins qui disent qu'ils ne peuvent plus rentrer dans les prisons pour soigner les détenus. Les détenus ne peuvent pas sortir en promenade, ne peuvent plus sortir de leur cellule, acheter de la nourriture (...), prendre de douche, voir leur famille."
Des avocats, empêchés de voir leurs clients, ont également commencé à manifester leur mécontentement.
Selon la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) il n'y avait plus que 62 établissements sur 188 touchés à des degrés divers à 11h30 par des blocages ou des refus de prise de service. Mais elle faisait également état d'une augmentation des prises de congés de maladie, un moyen pour les surveillants engagés dans le mouvement de tenter d'échapper aux sanctions.
"Les surveillants ont un statut spécial lié à la nature de leur fonction (...) Dans ce statut spécial, il n'y a pas le droit de grève", a souligné la garde des Sceaux sur Europe 1. "Ce sont jusqu'à présent des sanctions avec sursis."
"Les arrêts maladie massifs sont considérés comme un arrêt concerté de travail", a cependant averti Nicole Belloubet. "Nous opérerons vis-à-vis de ces arrêts de maladie massifs comme si c'était un arrêt concerté de travail."
Le chef de l'Etat et le Premier ministre avaient réitéré jeudi leur soutien à leur ministre de la Justice.
(Avec Brian Love, édité par Yves Clarisse)