PARIS (Reuters) - Trois anciens responsables de l'UMP ont été placés en garde à vue jeudi dans le cadre de l'affaire Bygmalion, un système présumé de fausses factures durant la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012, a-t-on appris de source judiciaire.
Il s'agit de l'ancien directeur général Eric Cesari, proche de Nicolas Sarkozy, de l'ex-directrice des affaires financières Fabienne Liadzé et de l'ancien directeur de la communication Pierre Chassat, a-t-on précisé de source proche de l'enquête.
Interpellés à leur domicile, ils étaient entendus à l'Office central de lutte contre la corruption, à Nanterre (Hauts-de-Seine). Mercredi, trois anciens cadres de la société de communication ont été mis en examen dans ce dossier.
Bastien Millot et Guy Alvès, les deux fondateurs de Bygmalion, sont poursuivis pour complicité de faux et complicité d'usage de faux, tandis que Franck Attal, l'ancien patron de la filiale événementielle de Bygmalion, Event & Cie, est mis en examen pour faux et usage de faux.
La garde à vue d'un quatrième protagoniste présumé, l'ex-comptable de Bygmalion Matthieu Fay, qui n'a pas été mis en examen, avait été levée mardi soir.
Le parquet de Paris a ouvert en juillet une information judiciaire sur ce système présumé de fausses factures destiné à couvrir les dépassements de frais de campagne de l'ex-chef de l'Etat.
"LA POSTURE D'UNE VICTIME"
Bastien Millot est un proche de l'ancien président de l'UMP Jean-François Copé, contraint à la démission le 27 mai après des révélations sur ce montage par son propre directeur de cabinet, Jérôme Lavrilleux, qui était directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy.
Le quotidien Le Monde a rapporté la semaine dernière que Matthieu Fay avait avoué aux enquêteurs, en juin, qu'il avait bien été la cheville ouvrière du système de fausses factures. "Ce lot de factures, à savoir les factures sous-évaluées relatives aux meetings et les fausses factures, a été envoyé à l'UMP par porteur après le second tour", a-t-il expliqué.
Toujours d'après Le Monde, il a fait état d'un total facturé pour les meetings de près de 19 millions d'euros, alors que ce montant ne devait officiellement pas dépasser 3,4 millions.
Bastien Millot a dénoncé mercredi, sans les nommer, "certains responsables, et non des moindres, de la campagne présidentielle de 2012" qui "essaient de se draper dans la posture d'une victime alors même qu'ils le font sans doute un peu grossièrement et un peu rapidement".
Jérôme Lavrilleux, qui a mis en cause Eric Cesari, Pierre Chassat et Fabienne Liadzé, visés par une procédure de licenciement pour "faute grave" à l'UMP, assure que ni Nicolas Sarkozy ni Jean-François Copé n'étaient au courant de ce système.
"LE FEU DANS LA MAISON"
L'évolution de l'enquête sur Bygmalion parasite le début de la campagne de l'ancien président pour l'élection à la présidence de l'UMP, le 29 novembre.
Nicolas Sarkozy a affirmé le 21 septembre sur France 2 avoir découvert le nom et l'existence de Bygmalion "longtemps après la campagne présidentielle" de 2012. Il le répète dans une interview à paraître vendredi dans Le Figaro Magazine en parlant d'"une fable".
A contrario, l'ancien Premier ministre François Fillon, l'un des rivaux de l'ancien président pour la primaire à droite en vue de la présidentielle de 2017, a déclaré qu'il avait "souvent entendu parler de Bygmalion".
"J'ai souvent vu que Bygmalion était une entreprise qui travaillait régulièrement avec l'UMP", a-t-il dit mercredi sur BFM TV. "Ce n'était pas un secret, c'était même assez visible (...). Je pense que tout le monde connaissait l'existence de cette entreprise", a-t-il ajouté jeudi sur France Inter.
Avant lui, c'est Bruno Le Maire, ancien ministre de Nicolas Sarkozy et concurrent de ce dernier pour la présidence de l'UMP, qui avait affirmé le 24 septembre sur BFM TV que Bygmalion était connue des cadres de l'UMP.
Pour Rachida Dati, "quand Sarkozy dit ‘je ne connaissais pas Bygmalion', il ne dit pas qu'il n'en a jamais entendu parler."
"Maintenant, qu'il sache précisément ce qu'ils ont fait dans la campagne, c'est autre chose. Il connaissait forcément les protagonistes, c'était connu de tous", a plaidé l'ancienne ministre UMP de la Justice sur Europe 1.
Un élu UMP s'inquiète des conséquences pour la suite de la campagne interne : "Il y a le feu dans la maison. Ça se rapproche dangereusement.(...) Juppé marque des points".
(Nicolas Bertin, Jean-Baptiste Vey et Emile Picy, édité par Sophie Louet)