NANTES (Reuters) - La cour administrative d'appel de Nantes a débouté le beau-frère de l'ex-président rwandais Juvénal Habyarimana, qui avait attaqué le ministère de l'Intérieur en justice pour avoir refusé en 2012 de lui accorder un visa en France en raison des "troubles à l'ordre public" que sa venue occasionnerait.
Protais Zigiranyirazo, soupçonné d'être lié au génocide des Tutsis en 1994, avait pourtant obtenu gain de cause en première instance : en décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes avait ordonné au gouvernement français de lui délivrer un visa de long séjour sous un mois.
La cour administrative d'appel de Nantes lui avait aussi donné raison une première fois en juillet 2015, mais le ministère de l'Intérieur avait obtenu l'annulation de l'arrêt des juges nantais devant le Conseil d'Etat en février 2016.
Suspecté d'être une "figure centrale" de l'Akazu, le premier cercle du pouvoir rwandais, après l'assassinat en 1994 de son beau-frère, l'ancien dignitaire du régime était accusé par la France d'avoir "participé aux massacres" en étant "physiquement présent" les 12 et 17 avril 1994 au barrage routier de Kiyovu.
"Son nom est particulièrement lié au Réseau Zéro, qui au début des années 1990 a été à l'origine de violences qui ont préparé les esprits au génocide rwandais", soutenait également le ministère de l'Intérieur.
L'Etat lui reprochait aussi de n'avoir "jamais exprimé aucune forme de distanciation" avec le régime politique à l'origine des massacres.
Sa venue en France allait donc engendrer une "réaction des associations de victimes du génocide rwandais" et "porter préjudice aux relations bilatérales entre la France et le Rwanda", redoutait le gouvernement.
Surnommé "Monsieur Z", Protais Zigiranyirazo voulait se rapprocher de la France, où son épouse a obtenu le statut de réfugiée en juillet 2002 et où vivent deux de ses enfants, selon son avocate. "Mon client a 80 ans aujourd'hui, il aspire juste à finir ses jours auprès des siens", avait-elle plaidé.
Il vit aujourd'hui en Tanzanie, sous la protection du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), qui l'avait acquitté en appel pour ses "crimes contre l'humanité" et qui a depuis tenté en vain de lui trouver un pays d'accueil.
"Le ministre a apporté des éléments circonstanciés, qui sont de notoriété publique, tendant à prouver le rôle de ce premier cercle du pouvoir rwandais dans (...) la planification du génocide", estime la cour administrative d'appel de Nantes dans ce nouvel arrêt. "Il a également démontré la place influente occupée par M. Zigiranyrazo au sein de l'Akazu, ainsi que sa présence au Rwanda pendant la durée des massacres (...) de près de 800.000 Tutsis."
(Guillaume Frouin, édité par Yves Clarisse)