par Corina Pons et Matt Spetalnick
CARACAS (Reuters) - Le président du Parlement vénézuélien, Juan Guaido, principal opposant à Nicolas Maduro, s'est proclamé mercredi chef de l'Etat par intérim et a été immédiatement reconnu par Donald Trump alors que plusieurs centaines de milliers de personnes manifestaient à Caracas.
La télévision publique a diffusé dans le même temps des images de Nicolas Maduro apparaissant au balcon du palais présidentiel pour saluer ses partisans. Il a déploré un coup d'Etat de l'opposition et annoncé que le Venezuela rompait ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis et que le personnel diplomatique américain aurait 72 heures pour quitter le pays.
Nicolas Maduro a ensuite adressé un message à l'armée, priant les militaires de maintenir la discipline et l'unité.
"Nous triompherons, encore une fois, nous en sortirons victorieux", a lancé Nicolas Maduro, qui a reçu le soutien du président turc Recep Tayyip Erdogan, mais aussi de Moscou et de Pékin.
La Russie juge "illégales" les mesures en cours pour chasser du pouvoir Nicolas Maduro, a déclaré jeudi matin le président de la chambre basse du parlement russe, Viatcheslav Volodine.
Pour le Kremlin, Nicolas Maduro est le président légitime du Venezuela et les menées ourdies par l'étranger pour usurper le pouvoir violent le droit international.
Par la voix de son vice-ministre des Affaires étrangères Sergueï Riabkov, la Russie a mis en garde Washington contre toute intervention militaire au Venezuela, ce qui serait un "scénario catastrophe".
La Chine s'est déclarée quant à elle hostile à toute ingérence extérieure dans les affaires du Venezuela et a dit soutenir les efforts de Caracas pour préserver son indépendance et sa stabilité.
GUAIDO PRÊTE SERMENT
A Paris, le président Emmanuel Macron a déclaré jeudi que l'Europe soutenait la restauration de la démocratie au Venezuela. Il a salué "le courage des centaines de milliers de Vénézuéliens qui marchent pour leur liberté".
L'Union européenne a appelé les autorités vénézuéliennes à respecter les "droits civiques, les libertés et la sécurité" de Juan Guaido.
Juan Guaido, qui espère être en mesure d'unifier les opposants à l'héritier d'Hugo Chavez, s'est présenté à la foule de manifestants réunis à Caracas et a prêté serment devant ses partisans.
"Je jure d'assumer tous les pouvoirs de la présidence pour garantir la fin de cette usurpation", a-t-il déclaré.
Le chef de file de l'opposition qui est majoritaire au Parlement avait déjà dit être prêt à remplacer Maduro à titre provisoire, avec le soutien de l'armée, le temps d'organiser des élections libres.
Donald Trump, critique régulier du régime de Nicolas Maduro, a déclaré mercredi qu'il reconnaissait Juan Guaido comme le nouveau président du Venezuela et a appelé les pays occidentaux à faire de même.
Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a annoncé pour sa part que Nicolas Maduro n'avait aucune autorité pour rompre les relations diplomatiques avec les Etats-Unis.
"Les Etats-Unis maintiennent leurs relations diplomatiques avec le Venezuela et poursuivront leurs relations avec le gouvernement du président par intérim Guaido, qui a invité notre délégation à rester au Venezuela", a déclaré Mike Pompeo.
LE PARLEMENT VOIT EN MADURO UN "USURPATEUR"
"Les Etats-Unis ne reconnaissent pas le régime de Maduro comme gouvernement du Venezuela. Par conséquent, les Etats-Unis considèrent que l'ancien président Nicolas Maduro n'a aucune autorité pour rompre les relations diplomatiques".
Il a également appelé l'armée et les forces de sécurité vénézuéliennes à protéger la démocratie ainsi que la population civile.
Le Canada a aussitôt emboîté le pas des Etats-Unis, un responsable annonçant que le gouvernement de Justin Trudeau envisageait de reconnaître Guaido comme chef de l'Etat intérimaire.
Contacté par Reuters, l'Elysée a dit que la France suivait la situation de près et qu'elle allait consulter des partenaires européens.
Plusieurs pays latino-américains, le Brésil, la Colombie, l'Argentine, le Pérou, le Chili et le Guatemala, ont fait de même tandis que le Mexique se montrait prudent en maintenant "pour le moment" sa confiance à Nicolas Maduro.
Le président bolivien Evo Morales a, lui, exprimé sa solidarité avec le président vénézuélien dans un message sur Twitter (NYSE:TWTR).
Dans une motion, le Parlement vénézuélien estimait que Maduro, réélu l'été dernier au terme d'un scrutin boycotté par les principales forces de l'opposition et qui a pris ses fonctions le 10 janvier, était un "usurpateur".
Agé de 35 ans, soutenu par les Etats-Unis, Guaido se voit en successeur de Leopoldo Lopez, son mentor et dernière figure unificatrice de l'opposition, qui a été arrêté en 2014.
La Cour suprême, favorable au régime, a jugé mardi que le Parlement ne devait pas reconnaître Guaido comme son président et demandé aux services du procureur de l'Etat d'ouvrir une enquête sur l'opposant.
Plusieurs centaines de milliers de Vénézuéliens manifestaient mercredi dans les quartiers est de Caracas pour demander le départ du gouvernement de Maduro.
Les forces de l'ordre ont procédé à des tirs de grenades lacrymogènes contre des protestataires qui bloquaient un axe de circulation, rapportent des journalistes de Reuters sur place.
Huit personnes sont mortes lors d'échauffourées entre manifestants et forces de l'ordre lors de rassemblements à travers tout le pays depuis ce week-end, selon un bilan fourni par les autorités locales et une association de défense des droits. Cinquante-huit personnes ont été interpellées depuis lundi.
Accentuant ses pressions, l'administration américaine avait annoncé dans la journée que les sociétés américaines du secteur de l'énergie pourraient appliquer dès cette semaine des sanctions contre l'industrie pétrolière vénézuélienne.
(Mayela Armas et Angus Berwick, avec Marine Pennetier à Paris, Arshad Mohammed à Washington et Maria Kisseliova à Moscou; Guy Kerivel, Pierre Sérisier, Arthur Connan et Eric Faye pour le service français)