SHANGHAI (Reuters) - Le C919, plus gros avion de ligne jamais construit par la Chine, a réussi vendredi son vol inaugural, marquant une étape importante face au tandem Boeing-Airbus.
L'appareil, qui avait décollé de l'aéroport international Pudong de Shanghai, est revenu s'y poser après 80 minutes de vol.
Mis au point et fabriqué par la Commercial AircraftCorporation of China (Comac), une entreprise publique, l'appareil ambitionne à terme de concurrencer le Boeing (NYSE:BA) 737 et l'Airbus (PA:AIR) A320.
"La signification en est gigantesque. C'est le premier avion de grande envergure conçu en Chine. Cela a un grand impact sur le peuple chinois et sur le marché intérieur", estime Xiong Yuexi, professeur et spécialiste du design aéronautique à l'université Beihang de Pékin.
Illustration de l'importance du moment, la télévision publique chinoise a retransmis l'événement en direct, avec captation du décollage devant plusieurs milliers de dignitaires et de salariés ayant participé à sa fabrication et caméras embarqués.
L'appareil était en configuration vol d'essai, sans passagers et avec un équipage réduit à cinq pilotes et ingénieurs de vol.
Le C919, monocouloir conçu en 2008 et présenté en novembre 2015 lors d'une cérémonie organisée à Shanghai, pourra transporter 158 à 168 passagers sur une distance de 4.000 à 5.500 km.
La Comac dit avoir 570 commandes émanant de 23 clients, pour l'essentiel des compagnies chinoises et des sociétés de leasing. A titre de comparaison, la dernière version du Boeing 737 comptait plus de 3.000 commandes fermes avant son premier vol, en janvier.
"BOEING A CENT ANS, AIRBUS EN A PLUS DE QUARANTE"
Les spécialistes du secteur jugent en outre que l'appareil ne bénéficie pas des avancées technologiques des dernières versions de l'A320 et du 737 du fait des retards qui ont affecté sa production - le vol inaugural a été repoussé à au moins deux reprises depuis 2014 pour ces raisons.
Il lui faut en outre encore obtenir les certifications européennes et américaines. "Nous ne sommes qu'au début du processus", confiait fin avril Patrick Ky, directeur de l'Agence européenne de sécurité aérienne (AESA). Aux Etats-Unis, l'agence fédérale de l'aviation n'a pas répondu à nos sollicitations.
Sans ces certifications occidentales, la Chine ne pourrait vendre son C919 qu'aux pays qui acceptent ses propres règles - le Zimbabwe, la Bolivie et le Tadjikistan ont déjà fait l'acquisition d'avions chinois. En revanche, "les ventes d'appareils aux économies développées et dans de nombreuses économies en développement seraient difficiles sinon impossibles", souligne Bradley Perrett, spécialiste de la Chine pour la revue spécialisée Aviation Week.
Le premier avion de ligne chinois, l'ARJ-21, conçu pour le transport régional, n'a obtenu sa certification qu'en décembre 2014, six ans après son vol inaugural.
"L'aviation est un marché compliqué sur lequel il vous faut une longue expérience. Boeing a 100 ans, Airbus en a plus de 40", observe Si Jingzhe, analyste chez Sinolink Securities.
Le prix pourrait être un des atouts du C919. Selon des médias chinois, son prix catalogue serait de l'ordre d'une cinquantaine de millions de dollars, moins de la moitié de ce que coûte un Boeing 737 ou un Airbus A320.
"Il faudra une bonne dizaine d'années pour que Comac devienne un concurrent établi", a déclaré au Figaro Fabrice Brégier, numéro deux d'Airbus.
Le C919 est motorisé par CFM International, une co-entreprise associant la filiale aérospatiale de General Electric (NYSE:GE) et le français Safran (PA:SAF). D'autres partenaires étrangers, dont Honeywell (NYSE:HON) International et United Technologies, ont participé au projet.
(Jackie Cai, Adam Jourdan et Brenda Goh avec Tim Hepher à Paris; Henri-Pierre André pour le service français)