par Simon Carraud
PARIS (Reuters) - Quasiment assuré de prendre la présidence des Républicains le mois prochain, Laurent Wauquiez s'efforce depuis quelques jours de ravir à Jean-Luc Mélenchon le rôle d'opposant en chef à Emmanuel Macron en multipliant les charges claironnantes contre le chef de l'Etat, devenu sa cible unique.
Dans ses récentes déclarations, l'ex-ministre de Nicolas Sarkozy a rarement pris la peine de citer ses deux adversaires du moment, Maël de Calan et Florence Portelli, qui ne parviennent pas à lui faire de l'ombre dans la campagne, pour l'heure atone, à droite.
Il a aiguisé ses arguments anti-Macron dans une virulente interview au dernier Journal du dimanche, dans lequel il décrit un "enfant capricieux", un "adulte arrogant", "le plus parisien des présidents qu'on ait jamais eu", un être "hanté par une haine de la province", sans autre projet que lui-même.
Comme en miroir, Jean-Luc Mélenchon a concédé le même week-end la première manche à Emmanuel Macron sur le terrain social, après avoir occupé pratiquement tout l'espace dévolu à l'opposition pendant six mois.
"Pour l'instant, c'est lui qui a le point", a estimé le chef de file de La France insoumise, interrogé par franceinfo.
"Ce week-end, tous les commentateurs ont noté que la voix importante n'était plus celle de Mélenchon", s'est vanté Laurent Wauquiez dans une interview à la Nouvelle République du Centre, parue jeudi.
Dans cet entretien, le héraut de l'aile droitière des Républicains a poursuivi son réquisitoire contre le chef de l'Etat, sur un registre parfois proche de celui entendu à gauche depuis le début du débat sur le budget 2018.
"La droite défend les classes moyennes et les familles modestes alors que la moitié des cadeaux fiscaux d'Emmanuel Macron et son gouvernement sont destinés au 1% les plus riches", a-t-il jugé.
"ARMÉE D'OPPOSANTS"
Pour se démarquer de l'ex-ministre de l'Economie, qui mord sur l'électorat de droite, Laurent Wauquiez a fait le choix stratégique de s'en tenir à la ligne élaborée depuis 2011, celle d'un conservatisme identitaire et assumé, à l'opposé selon lui du libéralisme hors-sol aujourd'hui au pouvoir.
En réalité, c'est un match à trois qui se joue puisque Marine Le Pen revendique, elle aussi, le statut de première opposante au nom de sa présence au second tour de la présidentielle, en mai dernier.
"Chacun peut s'opposer à Emmanuel Macron, il n'y a pas de brevet de légitimité à obtenir mais il n'arrive même pas à dire ce qu'il a voté au second tour de l'élection présidentielle", a-t-elle dit jeudi devant quelques journalistes. "Pour être un opposant, il faut avoir un peu de courage."
Lorsque la question s'est posée, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a appelé à ne pas voter pour Marine Le Pen, sans dire s'il valait mieux choisir Emmanuel Macron ou le vote blanc.
Et "si vous voulez être à la tête d'une armée d'opposants, encore faut-il que la moitié de votre armée ne soit pas prête à une collaboration avec la personne que vous voulez combattre", a poursuivi la dirigeante d'extrême droite.
De fait, s'il parvient bien à la tête de LR à l'issue de l'élection des 10 et 17 décembre, Laurent Wauquiez devra redonner de la cohésion à son parti, toujours tiraillé entre une frange modérée et une sensibilité droitière.
"Le chemin qui le sépare du rôle d'opposant naturel est quand même plus important que pour ses concurrents dans ce domaine", observe Erwan Lestrohan, directeur d'études à l'institut BVA. "A la différence d'un Jean-Luc Mélenchon ou d'une Marine Le Pen, voire d'un Benoît Hamon, il n'était pas candidat à l'élection présidentielle de 2017."
Selon lui, il y a par ailleurs "une porosité entre La République en marche et Les Républicains, notamment sur la ligne économique, qui rend difficile de s'ériger en opposant, tant on identifie des passerelles idéologiques".
"Pour le grand public, il n'est encore qu'un prétendant au titre de chef de parti", fait-il valoir.
Mais, à moyen terme, Laurent Wauquiez sera aux commandes d'une machine a priori plus puissante que celle de ses deux rivaux, avec une centaine de députés, contre 17 pour la France insoumise et huit pour le FN.
(Edité par Yves Clarisse)