"Trop d'impôt tue-t-il l'impôt" en France? Oui, estime l'économiste libéral Arthur Laffer, théoricien de cette formule et père de la courbe qui porte son nom, pour qui la baisse de la fiscalité prévue en 2016 est une "bonne chose" pour la croissance économique du pays.
"On ne peut pas taxer l'économie d'un pays sans nuire à sa prospérité", assure l'économiste américain, chef de file de la politique de l'offre, interviewé mercredi par l'AFP en marge d'une rencontre organisée par la revue Politique internationale et la French americain foundation.
"On ne peut pas laisser un gouvernement devenir l'ennemi d'un segment de la société. Ca ne marche pas", ajoute l'ex-conseiller du président Ronald Reagan, favorable à la baisse de la fiscalité annoncée par le gouvernement, qui permettra selon lui de stimuler la croissance.
François Hollande a confirmé lundi une réduction de deux milliards d'euros d'impôts en 2016. Ce geste, parallèle à l'allègement de la fiscalité sur les entreprises prévue dans le cadre du pacte de responsabilité, concernera huit millions de foyers et sera ciblé sur l'impôt sur le revenu.
"L'impôt sur le revenu, en particulier l'impôt progressif, est mauvais pour l'économie", estime M. Laffer. A l'inverse, "les taxes foncières et la TVA sont les meilleures taxes, les moins nuisibles parmi celles qui peuvent être mises en place par l'Etat", ajoute-t-il.
Le choix de concentrer la baisse fiscale sur l'impôt sur le revenu plutôt que sur d'autres prélèvements a suscité des critiques au sein de la classe politique, l'impôt sur le revenu étant considéré par beaucoup comme le plus juste des prélèvements, en raison de son caractère progressif.
- 'démagogique' -
Interrogé fin août par l'AFP, le prix nobel d'Economie Joseph Stiglitz avait regretté les choix budgétaires de la France, estimant que le pays était confronté à un "vrai risque" de creusement des inégalités. Il avait qualifié de "stupide" l'idée "selon laquelle baisser les impôts sur les entreprises stimulerait l'économie".
"Pour être honnête, je pense que ce que dit Stiglitz est démagogique", rétorque Arthur Laffer. "Lorsqu'il dit quelque chose comme ça, il essaie d'être populaire auprès des étudiants", ajoute-t-il, invitant l'ancien économiste en chef de la Banque mondiale à se regarder "dans un miroir".
Ancien professeur à l'université de Chicago, Arthur Laffer, âgé de 75 ans, est le théoricien de "l'allergie fiscale" et le père de la célèbre "courbe de Laffer", censée montrer que les recettes fiscales de l'Etat diminuent lorsque les prélèvements obligatoires deviennent trop élevés.
Cette courbe - critiquée par de nombreux économistes - avait été dessinée sur un coin de table en 1974, lors d'un dîner avec Donald Rumsfeld, à l'époque directeur de cabinet du président Gerald Ford, Dick Cheney, alors adjoint de Donald Rumsfeld, et un journaliste du Wall Street Journal.
"L'idée est simple. C'est que les gens ne vont pas au travail pour payer des impôts. Ils travaillent pour gagner des revenus, après avoir payé des impôts, donc il faut les motiver à aller au travail", détaille M. Laffer, hostile notamment à une forte taxation des hauts revenus.
"Cela nuit à l'activité, donc à l'ensemble de l'économie. Quand la marée monte, tous les bateaux montent à un niveau plus élevé. C'est la condition pour combattre la pauvreté", assène l'économiste, pour qui les Etats américains les plus dynamiques sont ceux qui ont le plus baissé leurs prélèvements obligatoires.
Un raisonnement qui fait fi des différences culturelles entre les pays, de leur histoire de leur rapport à l'Etat? "Il y a des différences. Mais je ne pense pas que les bases de l'économie soient différentes", ni "que les Français soient génétiquement très différents des Américains", soutient M. Laffer, qui nie tout biais politique dans sa démonstration.
"Etre favorable à la baisse des impôts, ce n'est pas une question d'être de droite ou de gauche", assure ce proche du parti républicain. Précisant avoir avoir "voté Clinton" à deux reprises à la présidentielle.