Gardiens de la vertu budgétaire, l'OCDE, Bruxelles et la Cour des comptes n'ont laissé aucun répit au gouvernement Ayrault, pressé d'engager sans délai de vigoureuses réformes pour tenir la parole de la France sur le rétablissement de ses finances publiques.
Mercredi, la Commission de Bruxelles demandait à la France de "préciser les mesures nécessaires pour s'assurer que le déficit excessif soit résorbé d'ici à 2013". Et le même jour et dans le même esprit, la Cour des comptes prônait une "vigilance accrue" sur des questions politiques sensibles, comme l'emploi des fonctionnaires, leur retraite ou les aides sociales.
Quelques jours plus tôt, c'était l'OCDE qui jugeait que le moment était déjà venu d'appeler le nouveau gouvernement à "mener de profondes réformes" en France.
Mais à l'approche des législatives des 10 et 17 juin, le nouveau pouvoir entend d'abord s'assurer d'une majorité confortable à l'Assemblée avant d'entrer dans le vif d'une réforme fiscale que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault promet désormais pour "l'automne", à l'occasion de la discussion du budget 2013.
Les grandes lignes de la réforme sont cependant déjà sur la table. Certaines mesures viseront les particuliers "les plus riches", selon l'expression du Premier ministre: réduction des niches fiscales, relèvement du barème de l'ISF, taxation accrue des grosses successions ou des revenus du capital et tranche d'imposition à 75% au-dessus d'un million d'euros de revenus annuels.
D'autres concerneront les entreprises: modulation de l'impôt sur les sociétés au profit des PME et du réinvestissement des bénéfices et surtaxe sur les profits des banques et des sociétés pétrolières.
Interrogé sur BFMTV/RMC vendredi, le chef du gouvernement a dès à présent confirmé plusieurs promesses de campagne de François Hollande: les niches fiscales seront plafonnées à 10.000 euros par an et le quotient familial "à plus six fois le Smic".
A la rentrée, une loi de programmation pluriannuelle devrait par ailleurs graver dans le marbre le retour à l'équilibre des finances publiques, prévu en 2017.
- "Qu'on nous laisse travailler" -
Le président Hollande plaide inlassablement pour une sorte de troisième voie, conjuguant soutien à la croissance et respect des engagements de la France dont il entend ramener les déficits publics à 3% du PIB dès 2013 contre 4,5% encore attendus cette année.
Pour le ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici, ces engagements forment un triptyque: "redressement et justice", "crédibilité et changement", "responsabilité budgétaire et croissance".
Reste à convaincre l'OCDE, la Commission européenne et la Cour des comptes mais aussi l'Allemagne que cette troisième voie n'est pas une simple vue de l'esprit. "Qu'on nous laisse mener notre politique", a ainsi imploré mercredi Pierre Moscovici.
Malgré ses temporisations, Paris conserve cependant un certain crédit international. L'OCDE a pronostiqué 0,6% de croissance en France cette année, soit un peu plus que les 0,5% attendus par le gouvernement. Et si Olli Rehn, commissaire européen aux Affaires économiques, a exhorté la France cette semaine à "réagir rapidement", il juge ses objectifs budgétaires pour 2013 "tout à fait faisables".
Autre signe positif: le taux à 10 ans des obligations de la dette française a battu de nouveaux records à la baisse sur les marchés où il s'est établi vendredi sous les 2,3%.